Le gouvernement américain a nommé un juge fédéral pour enquêter sur des contrats passés entre Sonatrach et des sociétés américaines impliquées dans le secteur de l'énergie et des hydrocarbures. Selon nos sources, il semblerait que la justice américaine va étendre également ses investigations sur la légalité des biens acquis par l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, sur le territoire américain. La tentaculaire et scabreuse affaire dans laquelle s'enferrent des ex-dirigeants de la toute-puissante Sonatrach n'en finit pas de livrer ses secrets. Les ramifications du scandale s'étendent outre-Atlantique. Un juge fédéral a été nommé pour enquêter sur les marchés décrochés par les firmes pétrolières américaines en Algérie, selon des sources sûres. Les différents contrats passés entre des sociétés pétrolières américaines et la compagnie algérienne, Sonatrach, seraient sous la loupe de la justice américaine. Ainsi, après les justices italienne et canadienne, c'est au tour des juges américains de «fouiner» dans les obscurs contrats dans lesquels des dirigeants du secteur de l'énergie algériens ont plongé Sonatrach. Réévaluations et pots-de-vin Les gros contrats «remportés» en Algérie particulièrement par la compagnie pétrolière US Anadarko et la texane Kellogg Brown & Root (KBR), anciennement filiale de Halliburton (spécialisée dans l'engineering, la construction et la transformation des ressources en hydrocarbures), ont éveillé des soupçons aux Etats-Unis. Selon nos sources, les contrats signés durant les années 2000 ont «avantagé» les compagnies américaines par rapport aux compagnies concurrentes, moyennant des commissions occultes. Des pots-de-vin qui seraient autrement plus élevés que ceux versés par la société italienne, Saipem, aux dirigeants de Sonatrach. Trop de contrats soulèvent des soupçons ! La compagnie KBR a, à elle seule, «remporté dans des conditions douteuses» quatre gros marchés. Celui d'In Amenas portant sur la collecte du gaz fluide hydrocarboné. Un second contrat à Hassi Berkine portant sur la fourniture de services EPC pour une grande expansion d'une installation de traitement ; un troisième marché de grande envergure à In Salah portant sur la réinjection du CO2 dans des puits pour réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre. Mais le plus gros marché reste le projet de GNL de Skikda signé le 9 juillet 2007 entre Sonatrach et KBR, qui était d'une valeur approximative de 2,8 milliards de dollars. «KBR est chargée en vertu de ce contrat de la réalisation d'un train de gaz naturel liquéfié (GNL) à Skikda. (…)», selon la firme américaine. Curieusement et de manière obscure, le contrat a connu plusieurs réévaluations pour porter son montant à 4,7 milliards de dollars. Le ministre de l'Energie de l'époque, Chakib Khelil, était à la manœuvre. Il aurait intervenu pour «favoriser» KBR, alors que la société japonaise JGC, en compétition pour décrocher le juteux marché, avait fait une offre moins-disante. Elle avait proposé la réalisation du projet à seulement 2,5 milliards de dollars avec une durée de réalisation de 36 mois, soit une année de moins que la proposition de la compagnie américaine. Les «faveurs» dont avait bénéficié la compagnie américaine auraient suscité «la colère» des Japonais. Pour éviter que la manœuvre fasse des vagues, Chakib Khelil aurait rassuré les responsables de JGC en leur promettant d'autres projets. Le juge fédéral nommé aux USA, chargé également d'enquêter sur d'autres marchés décrochés par les sociétés américaines dans le monde, se serait intéressé à de supposées malversations qui ont émaillé la signature des contrats entre les compagnies américaines et la société nationale avec comme meneur des «opérations» celui qui a tenu les rênes de Sonatrach pendant dix ans. Homme du «clan présidentiel», comme il aime à se présenter, Chakib Khelil serait donc au centre d'une enquête aux USA. Il serait ainsi «sous surveillance du FBI pour des avoirs d'un montant considérable outre-Atlantique», à en croire le magazine Jeune Afrique dans sa dernière livraison. Le magazine assure que «deux équipes d'enquêteurs ont discrètement séjourné à Alger, fin 2012 et début 2013, afin de compléter les informations déjà recueillies aux Etats-Unis». Des relations «excellentes» avec les texans Connu pour son tropisme américain, Chakib Khelil aurait amassé des sommes qui s'élèvent à plus de 500 millions de dollars sous forme d'obligations. Après une longue carrière au sein de la Banque mondiale qu'il quitte en 1999, l'ex-ministre de l'Energie a été remis dans le circuit à la faveur du retour de Abdelaziz Bouteflika au pouvoir. Il passe dix ans à la tête du stratégique ministère de l'Energie tout en gardant ses «excellentes relations» avec les Texans. En quittant son poste en 2011, Khelil se serait retrouvé également à la tête d'une fortune en biens immobiliers. Des sources dignes de foi affirment que «l'ami d'enfance de Bouteflika» dispose d'une luxueuse villa au Texas d'une valeur de 4,5 millions de dollars, de trois propriétés dans l'Etat du Maryland d'un montant global de 2,1 millions de dollars et d'un compte colossal en Suisse. Il est également propriétaire de deux appartements à Oran et d'un duplex haut standing à Alger qu'il aurait vendu. En somme, les relations entre le système Khelil et les Texans ont souvent été émaillées d'odeur de scandale. La tristement célèbre affaire BRC (société mixte Sonatrach-Halliburton) est emblématique de l'étendue de la corruption qui caractérise l'octroi des marchés au mépris des lois, mais plus grave encore, aux dépens de la sécurité nationale. Car dans le scandale BRC, il s'agissait également d'espionnage. Quand le scandale a éclaté en 2005, Bouteflika avait maintenu son ami Khelil en poste, alors qu'une partie du pouvoir aurait réclamé sa tête.