Le pays du Cèdre, qui était sur la brèche depuis le début de la guerre en Syrie, s'est réveillé hier sans gouvernement après la démission surprise du Premier ministre, Najib Mikati. Cette décision était dans l'air tant la tension politique et même sécuritaire n'a jamais baissé depuis l'éclatement du conflit chez le voisin syrien. Et pour cause, le gouvernement libanais, dirigé depuis juin 2011 par Najib Mikati, était déjà mal parti compte tenu qu'il soit un attelage hétéroclite entre sunnites, chiites du Hezbollah et chrétiens pro-syriens dirigés par Michel Aoun. Même Walid Joumblatt, le chef druze, qui ne porte pourtant pas le régime de Damas dans son cœur, avait siégé dans ce cabinet mosaïque. Mais il était dit que ce genre d'échafaudage politique ne pouvait trop durer tant les lignes de fracture sont de plus en plus nombreuses. Et la guerre civile en Syrie voisine s'avérait chaque jour un peu plus encombrante pour un Liban qui n'a pas encore recouvré sa souveraineté sur son territoire, malgré le retrait «diplomatique» du régime de Damas. En rendant son tablier, Najib Mikati aura mis le doigt sur la plaie dans un pays qui subit les dommages collatéraux d'un conflit presque interne, puisque les combats ont fini par contaminer son territoire. De fait, la guerre en Syrie a déteint directement sur le gouvernement et plus généralement sur la classe politique libanaise. Si le soutien du Hezbollah et du parti de Michel Aoun est évident pour Bachar Al Assad, d'autres forces politiques, à l'image du Mouvement du 14 mars, de l'ancien Premier ministre sunnite, Saad Hariri, sont clairement anti-régime syrien. Hariri compte dans son opposition au gouvernement Mikati et l'emprise syrienne sur ses partenaires chrétiens des Forces libanaises dirigées par Samir Geagea. Ce pôle a constitué d'ailleurs le principal contempteur du gouvernement Mikati qui a eu du mal à taire ses frictions, notamment sur la guerre en Syrie. Signe de l'impossible entente, Najib Mikati aura vainement tenté la prolongation du mandat du chef des Forces de sécurité intérieure (FSI, police), le général Achraf Rifi, qui aura 60 ans en avril et doit donc partir à la retraite. Une proposition «indécente» aux yeux du Hezbollah qui ne voulait pas rater une belle occasion de se débarrasser d'un homme qui l'a mis dans l'embarras. Ce furent en effet les hommes du FSI qui menaient l'enquête qui avait abouti à l'inculpation par le Tribunal international de quatre membres du mouvement chiite impliqués dans l'attentat qui a coûté la vie à l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri, en 2005. Aussi, Mikati n'a pas supporté que les élections législatives, prévues en juin, soient reportées faute de consensus sur la loi électorale pas très juste aux yeux des chrétiens. Une chose est certaine, cette nouvelle crise politique au Liban risque d'être beaucoup plus grave qu'elle ne paraît.