Najib Mikati, le Premier ministre libanais qui s'efforce depuis deux ans de protéger son pays des débordements de la crise syrienne, jette l'éponge. A l'origine de cette décision qui projette le pays du Cèdre dans une nouvelle période d'instabilité politique et « d'incertitudes » : un désaccord avec les ministres du Hezbollah sur la loi électorale de 1960 que les partis chrétiens veulent changer car « défavorable à leur communauté », les préparatifs des élections législatives prévues en juin prochain et la prolongation du mandat du général Achraf Rifi, directeur général des Forces de sécurité intérieure (FSI). Le mouvement chiite, qui a précipité, en juin 2011, la chute du gouvernement d'union emmené par Saâd Hariri, s'est opposé, vendredi, à l'issue d'un conseil des ministres marathon, à la création d'une commission chargée de superviser les prochaines législatives sous prétexte que la loi qui a créé cette instance n'avait été adoptée en 2008 que pour une seule fois » et à la prolongation du mandat du général Rifi. Au Premier ministre qui a « jugé important » que l'officier sunnite « continue dans ses fonctions » pour éviter à l'institution sécuritaire de « sombrer dans le vide », les ministres du « 8 mars » répliquent : ce sont les FSI qui ont envoyé quatre des leurs devant le Tribunal pénal international pour l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005. Selon Al Akhbar et As-Safir, Mikati a envoyé un message à Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, pour l'avertir de sa démission s'il n'acceptait pas la prolongation du général Rifi dans ses fonctions. M. Nasrallah lui aurait répondu selon les deux journaux : « Fais ce que bon te semble ». Mikati, un sunnite de 57 ans, présente son acte comme le seul moyen qu'il a trouvé pour « pousser » les principaux blocs politiques libanais à « assumer leurs responsabilité », c'est-à-dire « former un gouvernement de salut national où toutes les forces politiques seront représentées » s'ils veulent mettre le Liban à l'abri des feux de la région et (...) des divisions internes ». Tous les observateurs s'accordent à dire qu'un nouveau gouvernement n'est pas pour demain. Certains s'attendent à une « longue crise ». D'autres pensent que cette démission mettra fin à la politique de dissociation avec la crise syrienne. Tous s'accordent à dire qu'il est fort probable que les législatives connaissent un report et que les tensions entre les différentes communautés ne soient attisées et avec elles, le retour des violences. Comme celles que connaissent épisodiquement les rues de Tripoli. Un cessez-le-feu annoncé vendredi après-midi par les responsables sunnites en majorité et alaouites dans la capitale du Nord-Liban a volé en éclats juste après l'annonce de cette démission. L'armée s'était déployée en force pour dissuader les deux camps. En vain. Alors que le 14 Mars (opposition) et les centristes ont salué le courage de Mikati Michel Aoun, le chef du Courant patriotique libre, accuse le président Michel Sleïman de porter atteinte aux droits des chrétiens et le Premier ministre d'avoir démissionné pour des « raisons stupides ». Ahmad Karamé, le ministre d'Etat, déplore « le chaos » au niveau de la sécurité dans le pays et juge « illogique et anormal » ce qui s'y passe « puisque les incidents itinérants de sécurité n'épargnent aucune région ». Il se demande si « quelqu'un donnait l'ordre pour que ce genre d'abus soit commis ».