Les deux termes qui devraient qualifier la visite d'Etat de deux jours qu'effectue le président François Hollande au Maroc (Casablanca et Rabat) à partir d'aujourd'hui sont le pragmatisme et la recherche d'une convergence d'intérêts dans un contexte politique et socioéconomique difficile dans l'un et l'autre pays. Paris (France) De notre correspondante La France est «un partenaire intime et nécessaire» et la France veut se donner les moyens de le rester, indique-t-on de source autorisée française. De cette « intimité» , Paris entend tirer des dividendes, notamment en termes de parts de marché. La France est «le premier partenaire au Maroc» en matière d'investissements, d'échanges commerciaux. 750 entreprises françaises (dont 36 du CAC 40) sont présentes au Maroc employant près de 100 000 personnes. En 2012, les exportations de l'Espagne vers le Maroc étaient de 4,2 milliards d'euros contre 4 milliards d'euros pour la France. La France est aussi le premier bâilleur de fonds du Maroc avec 2,2 milliards d'euros par le biais de l'AFD. François Hollande donnera des garanties en termes d'engagement, indique-t-on à l'Elysée. La visite de François Hollande au Maroc intervient à un moment où ce pays est en proie à une dégradation du climat socioéconomique grandissante. Plusieurs milliers de travailleurs ont, à l'appel de la Fédération démocratique du travail (FDT) et de la Confédération démocratique du travail (CDT), manifesté dimanche à Rabat «pour l'ensemble des droits et des libertés», affichant leur mécontentement à l'égard de la politique économique et sociale du gouvernement dirigé par l'islamiste Abdelilah Benkirane. Sur le principal problème qui la préoccupe, la monarchie marocaine est assurée du soutien de Paris. Aussi bien l'Elysée que le Quai d'Orsay ont affirmé leur appui au plan d'autonomie marocain pour le règlement du conflit qui oppose le Maroc au Front Polisario sur la souveraineté du Sahara occidental. La question du Sahara occidental sera traitée de «manière sereine» , indique-t-on de source autorisée proche de l'Elysée. Et d'indiquer que «la position de la France sur le fait qu'il faut une solution négociée dans le cadre des Nations unies est constante». Paris veut «jouer un rôle utile pour que la solution du problème permette de déployer cette dynamique de coopération régionale» qu'elle appelle de ses vœux. Au Quai d'Orsay, même tonalité : «La France soutient également les efforts de Christopher Ross pour poursuivre les négociations entre les parties et appuie le plan d'autonomie marocain, tel qu'il avait été présenté en 2007, qui constitue la base sérieuse et crédible d'une solution négociée.» Les droits de l'homme, la question qui gêne Les autorités françaises ont beau arguer que la France s'en remet aux résolutions des Nations unies pour le règlement du conflit au Sahara occidental, il n'en demeure pas moins qu'elles ont clairement pris parti pour le plan d'autonomie – que Paris qualifie de «base sérieuse de négociation» – sur lequel Rabat fait un forcing diplomatique de longue date. N'est-ce pas une façon de faire pression sur le secrétaire général de l'ONU, alors que son envoyé spécial Christopher Ross quitte la région le jour même où François Hollande se rend en visite d'Etat au Maroc. En retour, Rabat qui occupe depuis Janvier 2012 un siège pour un mandat de deux ans au Conseil de sécurité ne peut que conforter la démarche française quant à la normalisation de la situation au Mali. Du côté de l'Elysée, on n'a pas manqué de relever que sur ce dossier «le dialogue est simple, constructif, en phase depuis le début de la crise, sur son traitement». Entre Paris et Rabat et d'esquisser le rôle que le Maroc est à même de jouer dans le retour à la stabilité au Mali en aidant les autorités de ce pays à reconstruire son armée, notamment (El Watan de samedi). Le Parlement marocain, à partir duquel le président Hollande prononcera une allocution, sera une bonne tribune pour s'exprimer sur un certain nombre de sujets, indique-t-on de source autorisée. Il ne manquera pas de «saluer l'évolution au Maroc qui a trouvé sa voie par une transition maîtrisée». Evoquera-t-il la question de la violation des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés ? A la veille de son voyage au Maroc, plusieurs associations des droits de l'homme (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) ; l'Association internationale des juristes démocrates, (AIJD) ; le Bureau international pour le respect des droits de l'homme au Sahara occidental, (Birdsho) ; le Comité catholique contre la faim et pour le développement, (CCFD) ; la Commission internationale des juristes, (CIJ) Suède ; le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, (MRAP) et deux associations marocaines, l'AMDH et l'ASDHOM, interpellent le chef d'Etat français sur le verdict très lourd qui a conclu un procès devant une cour militaire marocaine des 24 militants sahraouis arrêtés dans le contexte du démantèlement du camp de Gdeim Izik (Sahara occidental ; novembre 2010). Le 17 février 2013, 25 Sahraouis ont été condamnés par le Tribunal permanent des forces armées du Maroc, 9 d'entre eux à la réclusion à perpétuité, 4 à 30 ans de réclusion, 10 à des peines de 20 à 25 ans de réclusion, et 2 ont été libérés, car condamnés à une peine couverte par la détention provisoire. Les condamnations ont été prononcées par un tribunal militaire, ce qui est « contraire aux principes fondamentaux du droit à un procès équitable», et le recours à cette procédure est radicalement contraire à la Constitution marocaine, en ce que notamment elle «réaffirme son attachement aux droits de l'homme tels qu'ils sont universellement reconnus», soulignent les associations signataires du manifeste adressé au président Hollande. Les associations signataires signalent en outre que le déroulé de l'audience a fait apparaître «d'autres atteintes graves aux droits fondamentaux»… Et de signaler : «Il a été présenté en audience comme preuve à charge des photographies des accusés prouvant leur présence dans les campements de Tindouf et à une conférence internationale sur le Sahara occidental à Alger. Ce seul fait établit clairement qu'ils n'ont été poursuivis et condamnés que pour leurs opinions et engagements.»