Dans le langage parfaitement hypocrite, mais néanmoins inévitable, de la diplomatie, «prendre note» est une formule à usage variable. Littéralement, cela peut signifier que l'on «retient une information pour s'en souvenir» à l'avenir. Cela ne constitue pas forcément une approbation mais la formule est suffisamment équivoque pour suggérer que le fait dont on «prend note» n'est pas grave et ne nécessite pas une prise de position franche. Les journalistes, qui ne sont pas tenus de répéter les pirouettes des diplomates, peuvent se permettre de mettre des mots simples les diplomates diraient «crus» - derrière ce mystérieux jargon. Ils peuvent conclure que prendre note d'un fait, sans le désapprouver, signifie tout simplement l'admettre et l'approuver. Quand le porte-parole des Affaires étrangères françaises déclare que la «France a pris note de la déclaration du Maroc, qui a décidé de retirer sa confiance à l'envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara, Christopher Ross», il ne faut pas essayer de couper les cheveux en quatre. Il faut juste «prendre bonne note» que Paris approuve la décision de Rabat de déclarer l'ambassadeur Christopher Ross persona non grata. La France réclame même un «règlement rapide du différend» qui doit «tenir compte des préoccupations légitimes de toutes les parties». Et bien entendu, les journalistes anti-jargon pourront noter que quand un diplomate parle des «préoccupations légitimes de toutes les parties», il ne vise que la partie qu'il soutient. En l'occurrence, Paris a le souci des «intérêts» de Rabat et non d'une autre partie sur le dossier du Sahara Occidental. Les Sahraouis n'ont pas vraiment d'intérêts légitimes à faire prévaloir, selon Paris. Et pour nous éviter toute exégèse, le porte-parole du Quai d'Orsay affiche clairement et sans équivoque son «appui au plan d'autonomie marocain», qualifié de «seule proposition réaliste aujourd'hui sur la table des négociations et qui constitue la base sérieuse et crédible d'une solution dans le cadre des Nations unies». On voit bien à quel point Paris a le souci des «préoccupations légitimes de toutes les parties» ! Par contre, il faut «prendre note» que le nouveau gouvernement français n'entend pas changer une virgule à la politique française traditionnelle hostile à l'application des résolutions de l'Onu sur l'autodétermination des Sahraouis. On peut s'étonner néanmoins qu'au plan formel, le porte-parole du Quai d'Orsay paraisse désapprouver, comme Rabat, que l'Onu puisse, à travers la Minurso, s'intéresser au respect des droits de l'homme dans les territoires sahraouis. Ne défend-on pas les droits de l'homme partout ? N'est-on pas dans l'affirmation solennelle d'un «devoir de protéger» ? Il reste que la position française ne surprend pas. Elle est d'une «constance» indéniable en matière de soutien à Rabat. Cela n'empêche pas de noter - une fois de plus - que le plan d'autonomie n'est pas la «seule proposition réaliste» sur la table des négociations. Et il ne constitue pas une «base sérieuse et crédible» car il a pour but unique d'empêcher l'exercice du droit à l'autodétermination des Sahraouis qui a été affirmé dans les résolutions du Conseil de sécurité. La politique défendue par Paris consiste donc à dénier aux Sahraouis un droit à l'autodétermination reconnu par l'Onu. Cela n'en fait pas une option plus crédible et encore moins juste. La décision du Maroc de «retirer sa confiance» à Christopher Ross - que Paris approuve de fait - ne fait que compliquer la situation au Sahara Occidental. Elle n'est pas le signe d'une démarche «sérieuse et crédible».