Margaret Thatcher, ex-Premier ministre britannique et une des figures politiques du XXe siècle, est décédée hier à l'âge de 87 ans d'un accident vasculaire cérébral, après un long déclin dû à la maladie d'Alzheimer. «C'est avec une grande tristesse que Mark et Carol Thatcher annoncent que leur mère, la baronne Thatcher, est morte paisiblement ce matin, à la suite d'un accident vasculaire cérébral», a indiqué, dans un bref communiqué, lord Tim Bell, le porte-parole de celle qui fut surnommée la «Dame de fer». L'actuel chef du gouvernement britannique, David Cameron, a immédiatement réagi en affirmant que son pays avait «perdu un grand dirigeant, un grand Premier ministre et une grande Britannique». Membre comme Margaret Thatcher du Parti conservateur, David Cameron, qui se trouvait en Espagne au moment de l'annonce de sa mort, a décidé d'écourter la visite qu'il avait entamée en Europe, pour défendre sa réforme de l'Union européenne, et de rentrer à Londres. Mais contrairement à Winston Churchill, l'autre monstre de la politique britannique, Margaret Thatcher, n'aura pas de funérailles nationales. Les obsèques de la «Dame de fer» – qui sera incinérée – donneront lieu juste à une cérémonie. Dans un communiqué publié par Buckingham, la Reine Elizabeth II s'est également dite «triste d'apprendre» son décès, précisant qu'elle allait envoyer un «message de sympathie» à la famille de Margaret Thatcher. Née le 13 octobre 1925, à Grantham (centre de l'Angleterre), Margaret Hilda Roberts a particulièrement marqué les années 1980-90 au cours de ses 11 années au pouvoir en Grande-Bretagne. Celle qui a changé la face du Royaume-Uni Devenue avocate après son mariage en 1951, elle fait ainsi partie de ces rares personnalités politiques qui ont donné naissance à un «isme», le thatchérisme. Ce nouveau système politique est associé par beaucoup à des privatisations massives et à la montée en puissance d'un libéralisme économique qui porte en germe la mondialisation financière d'aujourd'hui. «Maggie», qui a exercé trois mandats, reste en effet célèbre pour son ultralibéralisme autant que pour son intransigeance dans ses rapports avec les syndicats, les mineurs et les prisonniers de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), qui lui a d'ailleurs valu son légendaire surnom de «Dame de fer». Jusqu'à sa mort, Margaret Thatcher aura profondément divisé l'opinion, s'attirant autant d'admiration que de haine tenace. Le personnage ne fut sans doute jamais mieux saisi que par elle-même, lorsqu'elle lâcha : «Je suis pour le consensus. Le consensus sur ce que je veux faire.» Ce refus exacerbé du compromis ne s'est jamais démenti en 11 années d'exercice (1979-1990). Pourtant cette femme élue députée à 34 ans, avant de prendre la tête du Parti conservateur en 1975, puis celle du gouvernement quatre ans plus tard, était issue d'un milieu modeste. Et en théorie, rien ne la prédisposait à devenir une militante zélée du libéralisme économique et du conservatisme social. Pour cerner son personnage complexe et son caractère implacable, François Mitterrand, qui l'appréciait, lui trouvait «la bouche de Marilyn» mais «les yeux de Caligula». Pour ses supporteurs, elle restera néanmoins celle qui a remodelé le Royaume-Uni, rétabli le prestige international du pays et réussi à relancer l'économie britannique qui était considérée à son accession au pouvoir comme «l'homme malade de l'Europe». Pour y parvenir, Margaret Thatcher s'est lancée dans les «réformes» sans se soucier du coût social. Elle a privatisé à tout-va, fait baisser impôts et dépenses publiques et muselé les syndicats. En l'espace de quelques années, l'Angleterre s'était retrouvée avec 3 millions de chômeurs et une société en constante ébullition. Cette période fut terrible pour les travailleurs. Profondément traumatisé par ce qu'il a eu à endurer, David Hopper, un responsable régional du syndicat des mineurs anglais NUM, s'est déclaré hier «ravi» de la mort de Mme Thatcher. «Je bois un verre en ce moment précis. C'est un jour merveilleux [...], l'un des meilleurs de ma vie», a-t-il indiqué. 165 mines avaient été fermées par le gouvernement de la «Dame de fer». L'ennemie jurée du tiers-mondisme Au plan international, son action ne restera également pas sans conséquence. Intime de Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, elle tient aussi son rôle dans la fin de la guerre froide. Mais de nombreux peuples du Sud retiendront tout de même qu'elle fut une ennemie jurée du tiers-mondisme et des mouvements de libération. Le Congrès national africain (ANC), parti au pouvoir actuellement en Afrique du Sud, n'a d'ailleurs pas manqué de le rappeler hier. «Elle a échoué à reconnaître l'ANC comme le parti légitime pour gouverner (l'Afrique du Sud), mais elle n'était pas sur la même longueur d'onde que le peuple britannique sur ce sujet, mais l'eau a coulé sous les ponts depuis», a déclaré hier le porte-parole de l'ANC, Keith Khoza. Dans le conflit palestino-israélien, l'ancienne dirigeante britannique a aussi préféré s'aligner de manière inconditionnelle et aveugle sur les positions israéliennes plutôt que de mettre l'influence de la Grande-Bretagne au service de la paix. Justement, c'est son caractère implacable qui a fini par se retourner contre elle. Le rejet de la «poll tax», cet impôt local qu'elle n'est pas parvenue à imposer en 1989 aux Anglais, a sonné sa fin. Contestée au sein même de son parti, elle démissionne les larmes aux yeux en novembre 1990. La baronne Thatcher se retire alors dans le quartier cossu londonien de Belgravia pour rédiger ses mémoires. Ce n'est toutefois qu'en 2002 et pour des raisons de santé qu'elle quittera définitivement la scène politique. En juin 2003, le décès de son époux Denis l'affecte profondément, comme plus tard les démêlés judiciaires de son fils Mark. En décembre 2005, moins de deux mois après avoir célébré son 80e anniversaire dans un grand hôtel de Londres, en présence de la reine Elizabeth II, elle est hospitalisée après s'être plainte de faiblesses. Sa fille Carol avait révélé, deux années plus tard, que sa mère souffrait en réalité de démence sénile depuis au moins sept ans.