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Chinongwa de Lucy Mushita : la chasse au mari
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Publié dans El Watan le 20 - 04 - 2013


Echange jeune femme contre nourriture.
Lucy Mushita est née au Zimbabwe pendant la période de l'apartheid. Le pays s'appelait à l'époque la Rhodésie. Elle a vécu dans un village et s'est imprégnée de la vie traditionnelle et des transmissions ancestrales. Chinongwa, qui raconte le parcours de sa grand-mère, est son premier roman. Elle nous en explique la genèse : «En réalité, je n'ai pas connu mes deux grand-mères. Vers mes quatre ans, j'ai entendu une conversation à propos de grand-mère, Chinongwa, deux autres vieilles qui parlaient d'elle. Et je me suis dit : "ça doit- être intéressant !" J'ai participé à cette conversation, malgré elles, en me cachant, et quand elles ont découvert ma présence, elles m'ont menacée de me laver la bouche au savon si je répétais ce que j'avais entendu. La seule chose dont je suis sûre, c'est que mes oreilles avaient retenu tous les détails concernant cette femme inhabituelle et que je la regardais depuis avec un œil passionné».
Des années plus tard est né ce récit qui oscille entre fiction et réalité. Les faits rapportés par la bouche de l'héroïne, Chinongwa, dépassent l'entendement, tout en se gardant de sombrer dans le pathos. C'est cette lucidité de la plume de Lucy Mushita qui fait la force de ce premier ouvrage. Le texte, que se partage une chorale de voix, se présente comme une sorte de parcours du combattant éreintant pour les personnages. A un moment du récit, Chinongwa se dit fatiguée par cette «chasse au mari».
En effet, cette affirmation, qui court comme un leitmotiv dans tout le roman est le nœud gordien sur lequel se fonde l'histoire. Le lecteur découvre au fil des pages l'étrange marché de dupes dont sont victimes les femmes du Zimbabwe au XIXe siècle. La transaction consiste en l'échange d'une fille nubile qu'on donne en mariage, contre de la nourriture. La pratique, courante et d'ailleurs institutionnalisée dans de nombreuses autres contrées du monde, rebute Chinongwa d'autant qu'elle s'accompagne d'une offre de la famille de la fille rendue publique dans toute la région.
Rapidement, elle prend conscience de l'archaïsme de ce procédé. Ce colportage, qui se fait de village en village, est vraiment dégradant pour elle. C'est son père et sa tante qui font la tournée des villages pour la proposer aux hommes en âge de se marier, célibataires ou candidats à la polygamie. Avec un physique ingrat, elle ne va susciter l'intérêt d'aucun homme. Les canons de la beauté de l'époque tendent vers l'embonpoint et les formes avantageuses. Ce qui est paradoxal dans un pays où la famine fait des ravages, surtout depuis l'arrivée des «sans-genoux», sobriquet donné aux colonisateurs anglais.
Accompagnée donc de son père et de sa tante, Chinongwa essuie des refus là où elle passe. Cette situation humiliante ne fait qu'accentuer son désarroi. Sa révolte va s'exprimer à travers une somatisation simulée qui se transforme en fausse surdité et refus de parler. Le dénouement de ce voyage arrive avec la pluie abondante qui les surprend à proximité d'un village. L'hôtesse des lieux, Amaï Chitsva, leur propose de les abriter et de les nourrir.
En l'absence de son mari, elle décide de prendre Chinongwa comme co-épouse. Cette initiative est motivée par sa stérilité et le désir de donner une progéniture à son mari pour agrandir le clan. Le père et la tante sont contents d'avoir réussi leur transaction, mais Chinongwa découvre que Baba Chitsva son nouveau mari, est un vieil homme, lequel, de son côté, ne tolérait que très peu cette jeune femme qui lui a été imposée et ne lui plaît guère. Après que Chinongwa ait mis au monde deux enfants, la première épouse, consumée par le feu de la jalousie, commence alors un travail systématique de dénigrement à son encontre, colportant dans le village toutes sortes de ragots sur Chinongwa, accusée d'être une feignante et une dévergondée, jusqu'à susciter chez son mari le rejet.
Ce dernier ne tarda pas à décéder et Chinongwa se retrouva veuve à la fleur de l'âge. Un soir, alors qu'elle dormait dans sa hutte, elle est violée par Mahora, un homme du clan. Ses plaintes auprès du chef du village restent lettre morte. La situation s'aggrave pour elle quand le violeur ébruite son «exploit». Les amis de ce dernier viennent solliciter la jeune veuve pour des relations sexuelles sans quoi ils vont en informer tout le monde. Fuyant ce chantage ignoble, elle revint dans son village natal pour préserver sa dignité.
Concernant cette pratique, l'auteure conclut ainsi : «Je vais tenter de vous répondre sur “sa disparition” parce que maintenant cette pratique est devenue illégale. Mais comme on le sait tous, quand une société est en pleine mutation, la femme peut devenir l'égale de l'homme. Mais, chez nous, en ce moment la société fait face à une situation économique horrible, la femme peut devenir facilement un objet. Même en Occident, le rôle et le statut de la femme sont vraiment ambigus. Au Zimbabwe, en 2008/2009, pendant le pic de l'inflation, il s'est avéré que des filles avaient été échangées contre de la nourriture, mais c'est difficile de vérifier ça. Aussi, dans les lointains villages, les traditions sont toujours là. Il y a beaucoup de femmes et de filles qui ne connaissent pas leurs droits et ne peuvent pas défier leur famille. Il y a aussi les sectes religieuses qui organisent des mariages comme ça, et dans la plupart des cas, les filles et leur maman son persuadées que c'est le "Bon Dieu" qui a décidé cela. Et, comme la décision divine ne se discute pas, alors on accepte son sort.»

Lucy Mushita, «Chinongwa», roman, Editions Actes-sud, Arles, 2012.


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