Des universitaires, des cadres politiques et des militants du MCB estiment que l'officialisation de la langue amazighe est inéluctable pour permettre à l'Algérie de se réconcilier avec son histoire l Une pétition pour réclamer l'officialisation de tamazight a été lancée par un groupe de militants, dont le chercheur et enseignant à l'université de Paris 8, Hacène Hirèche. L'officialisation de la langue amazighe revient toujours comme principale revendication à l'occasion de la célébration du Printemps berbère. Cette année, la question de l'institutionnalisation de cette langue semble se profiler à l'horizon, si l'on se fie aux déclarations des militants du Mouvement culturel berbère (MCB), d'universitaires, de membres de partis politiques et même des représentants de l'administration. D'ailleurs, une pétition a été lancée par un groupe de militants de différentes sensibilités, dont le chercheur et enseignant à l'université de Paris 8, Hacène Hirèche. Ce dernier a précisé, mardi dernier, au cours d'une conférence donnée à Tizi Ouzou, que «cette initiative permettra à tous les citoyens, à la classe politique et aux intellectuels de se mobiliser autour de cette revendication légitime, surtout à la faveur de la prochaine révision de la Constitution. Nous souhaitons récolter le maximum de signataires». Le même universitaire a également fait remarquer que la non-officialisation d'une langue maternelle peut avoir un impact psychologique, surtout sur les enfants, dès qu'ils entrent à l'école. C'est-à-dire, a-t-il expliqué, que ces écoliers ne se sentiront pas valorisés ni rassurés ; ils seront dans une perpétuelle problématique psychologique. Sur un autre volet, a encore souligné M. Hirèche, les répercussions seront aussi visibles par une violence sociale et institutionnelle, car il y a disqualification d'une langue ancestrale. Le même chercheur a estimé également que, sur le plan géopolitique, «notre pays est ancré de façon officielle dans une politique liée au Moyen-Orient. Il a un rapport de vassalité avec l'Egypte. Il obtiendra l'indépendance de son identité culturelle avec l'officialisation de tamazight, qui permettra aussi à l'Algérie de se réconcilier avec elle-même». De son côté, Hakim Saheb, avocat et cadre du RCD, a abordé le sujet dans le même contexte, affirmant, à ce propos, que «l'officialisation de tamazight est un élément de réappropriation identitaire qui permettra non seulement à l'Algérie de se réconcilier avec son histoire, mais consiste aussi en un élément géopolitique structurant pour le destin nord-africain. Et ce, au regard de ce qui se passe dans le contexte régional : au Maroc, tamazight est devenue langue officielle et en Libye, un débat est engagé sur sa co-officialité. Donc l'Algérie ne peut échapper à cette dynamique. Cela dit, l'officialisation de tamazight est inéluctable, car on ne peut pas aller à contre-courant de la marche de l'histoire». Maître Saheb a ajouté que tamazight a été consacrée langue nationale en 2002, après le sacrifice de la population et des militants de la cause berbère, «mais cela reste insuffisant du fait que le statut de langue nationale n'a pas été accompagné par un dispositif législatif et réglementaire à même d'obliger l'Etat à œuvrer pour la promotion de tamazight et réparer justice». Par ailleurs, pour le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), «la reconnaissance de tamazight langue officielle ne peut être qu'à titre symbolique, même si la symbolique est une chose importante. Depuis 1963, la Kabylie s'insurge et réclame ses droits fondamentaux. Je pense que la reconnaissance d'un Etat kabyle permettra de mettre fin au conflit linguistique, identitaire et culturel avec l'Etat central», explique Hocine Azem, militant du MAK. La nécessité de l'institutionnalisation de tamazight semble aussi «la revendication» même de l'administration, puisque des institutions comme les directions de la culture placent leurs programmes de la célébration du 33e anniversaire du 20 Avril 1980 sous le signe «Pour l'officialisation de tamazigh». Cela étant, on entend parler de l'officialisation imminente de cette langue. «Le régime va sûrement officialiser notre langue pour céder à la pression internationale. Il a intérêt à emboîter le pas au Maroc pour ne pas se singulariser devant les autres pays d'Afrique du Nord où la question de l'amazighité n'est plus un tabou. Donc, le temps est venu pour arracher une revendication portée, des décennies durant, par des militants de la cause juste, dont certains ne sont plus avec nous aujourd'hui», nous dit Ahmed, un fervent militant du MCB, qui rappelle que le combat pour l'amazighité n'a pas été une sinécure, il était empreint de beaucoup de souffrances. Des militants ont été assassinés, d'autres emprisonnés et torturés parce qu'ils revendiquaient leur langue, rien que leur langue.