La célébration du 33e anniversaire du Printemps berbère intervient en plein débat sur la révision constitutionnelle, conçue par le pouvoir comme la pierre angulaire des réformes politiques engagées depuis deux ans. Portée essentiellement par les milieux militants et des organisations politiques historiquement nées du Mouvement culturel berbère, la question de l'officialisation de la langue amazighe ne trouve toujours pas sa place dans le débat national et dans l'agenda du pouvoir en place. Le débat sur la réforme de la Loi fondamentale, auquel contribuent des constitutionnalistes, s'abîme lamentablement dans l'effarante question de la limitation ou non des mandats présidentiels, alors qu'il s'agit d'un sujet tranché depuis des lustres dans tout pays ayant quelques velléités de démocratisation. «Sommes-nous pour l'alternance au pouvoir ou pour la présidence à vie ?», s'interroge-t-on en Algérie, trahissant une étrange nostalgie du système du parti unique et du culte de la personnalité post-indépendance. Au sujet de la réappropriation identitaire, le Maroc a donné l'exemple il y a deux ans, sans complexe, en officialisant tamazight. La Libye est sur la même voie, à peine sortie d'une dictature sanglante. Notre pays qui s'autoproclame champion des réformes politiques s'entête dans l'ostracisme, engageant de faux débats, éludant les vraies questions. Le déni identitaire est en fait la marque de fabrique du pouvoir algérien, qui n'a concédé un statut de langue nationale pour tamazight qu'à la suite de la mort de 126 jeunes en Kabylie, tués lors du Printemps noir de 2001 par des services de sécurité, dont le rôle constitutionnel est pourtant de protéger la population. Incapable d'apporter la vérité et la justice suite à ces événements tragiques, le pouvoir voulait s'amender en amendant la Constitution, reconnaissant enfin que des Algériens parlaient tamazight, remettant en cause le dogme de l'arabité intégrale et exclusive. Depuis, aucune avancée n'a été apportée, enregistrant même un recul dans l'enseignement de la langue ancestrale. Le pouvoir s'est remis à sa perpétuelle besogne de lutte contre toute forme de contestation menaçant son règne. L'actuel dispositif politique et institutionnel mis en place pour repenser la première loi du pays n'a pas encore lancé aucun signe dans le sens de la consécration de tamazight en tant que langue officielle en Algérie, une revendication portée depuis des décennies par des générations de militants. Tamazight constitue en vérité le baromètre de la volonté réelle du pouvoir à aller vers plus de démocratie, à émanciper le pays des archaïsmes dépassés, y compris au niveau régional. Une véritable démocratie, garantissant les aspirations de liberté pour les citoyens et annonçant la fin du système autoritaire, ne peut pas se réaliser sans une consécration pleine et entière de la dimension amazighe de l'Algérie.