Un référendum de réforme constitutionnelle se tiendra, vendredi prochain, au Maroc. Malgré la persistance, dans ce texte, de la bipolarité tant décriée du pouvoir et malgré l'opposition du Mouvement du 20 Février notamment, le oui a toutes les chances de l'emporter. Au-delà de l'appréciation qu'on doit faire de l'apport démocratique de la nouvelle Constitution, on devra enregistrer que, pour la première fois, un Etat “arabe” aura fait de tamazight une langue officielle. Le projet du roi Mohammed VI induit une rupture avec le dogme de l'unicité de la langue dans les pays dits arabes. Le fait est d'autant plus notable qu'il survient à l'initiative de l'actuel représentant d'une dynastie qui revendique l'ascendance de l'imam Ali et puise sa légitimité dans la défense de l'Islam et de l'arabité. Certes, l'historiographie n'a pas poussé le négationnisme jusqu'à réfuter l'origine berbère du peuplement de l'Afrique du Nord et a fini par tolérer que les “constantes nationales” consentissent à voir l'amazighité leur disputer la “pureté” arabo-islamique des identités nationales. En Algérie, la revendication identitaire a conduit à la reconnaissance de tamazight comme langue, ce qui revient l'inscription officielle d'un fait socioculturel, une langue nationale était toute langue maternelle répandue parmi la population d'une nation. Si le triptyque amazighité-arabité-islamité constitue désormais la référence du discours de tribune, “les constantes” continuent à former le credo idéologique au conservatisme arabo-islamique régnant. Même l'ordre d'énonciation de ces éléments d'identité, et donc leur préséance symbolique relative, constitue encore un enjeu politique. L'évolution du statut de la langue amazighe au Maroc survient au moment où le régime algérien est en train d'élaborer, de son côté, un projet de réforme “démocratique” de la Constitution. L'ombre de ce développement ne manquera donc pas de planer sur le processus, sur ce thème comme sur d'autres, telle la peine capitale remise en cause par l'inscription du “droit à la vie” dans le projet du roi Mohammed VI. Mais, si au Maroc, l'Islam et l'arabe sont réputés protégés par le fait de la continuité dynastique, en Algérie, les entraves idéologiques se fondent, historiquement, sur des arrière-pensées de pouvoir. Il sera bien plus difficile au régime de se départir de son outil idéologique d'exclusion politique. Si le caractère “démocratique” de la future Constitution marocaine, en termes de répartition du pouvoir, reste à considérer, elle marque, pour la question identitaire dans la région, un moment historique. Comme par ironie de l'Histoire, le “Printemps arabe” s'avère un peu un “Printemps berbère”. En tout cas, dans sa version marocaine. Même le discours “universel”, d'extraction coloniale, qui, par commodité et par inclination simplificatrice, a produit et homologué la notion de monde arabe, y perdrait… son latin. M. H. [email protected]