Après la directive adressée il y a un peu plus d'une année aux entreprises et institutions publiques, par l'ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, c'est au tour de son successeur d'adresser une circulaire sommant ces mêmes entités de ne plus recruter, sous quelque motif que ce soit, des cadres retraités. La première directive n'ayant jamais pu être appliquée en raison des fortes résistances qu'elle avait rencontrées auprès de certains «barons» du secteur public, la toute récente circulaire datant de début avril 2013 a de fortes chances de subir le même sort, à moins que le Premier ministre consente à exercer pleinement son autorité sur les entreprises publiques et les Sociétés de gestion des participation auxquelles sont dévolues les missions de contrôle et de surveillance stratégique. Ce n'est pas tant le recrutement de cadres retraités expérimentés qui fait l'objet de contestation, mais l'usage clientéliste qui en est fait par certains chefs d'entreprise et institutions publiques. S'il était perçu au début des années 90, comme un moyen de consolidation de l'encadrement et un relais d'apprentissage au profit des jeunes cadres d'entreprises, le recrutement ou la reconduction de contrats de retraités ne vise plus ces nobles objectifs. Il ne constitue ni plus ni moins qu'un cadeau généreusement offert à des connaissances chargées en contre-partie d'assurer «la garde rapprochée» de ceux qui les ont recrutés et qui leur sont par conséquent redevables. Dans de nombreuses entreprises publiques économiques, non seulement, les PDG sont des cadres bénéficiant de la retraite, mais également, tout leur staff de cadres dirigeants et parfois même les cadres supérieurs placés aux postes névralgiques (finances et comptabilité, grands chantiers, usines, etc.) On comprend donc que ces recrutements soient perçus par l'opinion publique, mais également par les plus hautes autorités du pays, comme des actes pour le moins immoraux. Ils prennent dans de nombreux cas des allures de délit, voire de crimes économiques lorsque des sommes faramineuses sont, comme c'est souvent le cas, dilapidées sans contrepartie productive, pour payer de lourdes indemnités de départ à la retraite à des cadres qui seront immédiatement recrutés, bien souvent avec un contrat de cadre dirigeant qui leur permet d'exiger d'autres indemnités en cas de licenciement. C'est ainsi que bon nombre de cadres retraités ont empoché de véritables pactoles en encaissant tour à tour les indemnités de départ à la retraite, le salaire et avantages offerts par l'entreprise qui les ont recrutés, des jetons de présence et des dividendes pour ceux qui sont administrateurs d'EPE et, bien entendu, les copieuses indemnisations accordées aux cadres retraités, volontairement licenciés pour en bénéficier en toute légalité. Plus pragmatique que la directive de l'ex-Premier ministre, la circulaire de Abdelmalek Sellal prend en compte le cas des cadres retraités pour leurs hautes compétences, notamment par les besoins des grands instituts de formation supérieure. Des demandes motivées pourraient, dans ces cas, être adressées aux ministres sectoriellement compétents en vue d'éventuelles dérogations. La circulaire stipule par ailleurs que les contrats de travail liant les cadres retraités à leurs employeurs restent valables jusqu'à leur expiration. Les échos provenant des entreprises qui ont recruté massivement des cadres retraités, mettent en évidence l'aspect purement complaisant et, dans bien des cas, imposés «d'en haut», des recrutements qui ne contribuent en définitive qu'à exacerber les tensions entre les jeunes cadres qui aspirent à la relève et ces vieux cadres qui leur barrent le chemin de l'ascension professionnelle. «C'est nous, affirme à juste titre, un architecte d'une OPGI algéroise, une des principales causes de l'immobilisme et du laisser-aller qui règnent dans les entreprises publiques». C'est dire la nécessité de mettre fin à ces dépassements qui minent dangereusement le secteur public.