S'il s'agissait de «mettre fin aux recrutements de complaisance», pourquoi ça ne concernerait donc que les retraités, comme semble le suggérer la circulaire du Premier ministre sommant les entreprises publiques de ne plus en engager ? Parce qu'en termes d'emplois «offerts» qui ne répondent ni aux besoins de l'entreprise, ni aux qualifications des bénéficiaires ni aux exigences sociales, il n'est peut-être pas besoin d'évaluer avec précision la proportion de retraités qui reviennent au boulot pour se rendre compte qu'elle est si pléthorique. Il n'est pas non plus besoin d'être dans le secret des dieux pour savoir que les recrutements de complaisance, ceux qui ne concernent pas les retraités, c'est-à-dire l'essentiel du nombre, sont, ceux-là, bien plus injustes et plus scandaleux. S'il arrive parfois qu'on ne prête pas qu'aux riches, il est tout de même rare qu'on prête aux pauvres. Ceux qui en bénéficient sont donc rarement ceux qui en ont le plus besoin socialement, ils n'ont pas… besoin d'avoir les compétences requises pour le poste, ils ont accès à tous les privilèges, sont de fait promis aux promotions les plus fulgurantes et se comportent dans l'entreprise comme s'ils étaient dans leur jardin. Ceux qui ont les compétences sont susceptibles de contribuer au développement de l'entreprise et n'ont que le travail pour faire bouillir la marmite peuvent attendre. Les entreprises publiques, elles, peuvent aussi attendre… de disparaître quand viendront à s'assécher les perfusions du Trésor public qui les maintiennent en vie. Pour l'illusion d'activité d'une économie à l'arrêt, pour les besoins d'une clientèle politique dont il faut entretenir les râteliers et pour les besoins des colères sociales dont il faut apaiser les plus véhéments. Quand, dans sa circulaire, M. Selllal dit, sur un ton de reproche évident, que «des sociétés de gestion de participation et des entreprises publiques économiques recourent au recrutement des cadres retraités ayant parfois bénéficié d'indemnités de départ à la retraite versées par leur dernier employeur», on aura remarqué qu'il n'est pas question des raisons objectives qui pourraient inciter une entreprise à solliciter la collaboration d'un retraité, comme ses compétences avérées dans son domaine, sa connaissance de l'environnement de l'entreprise, un plan d'urgence où on ne peut pas s'en remettre à la procédure habituelle souvent bourrée de pesanteurs et éventuellement son coût, puisque le retraité revient souvent avec les charges patronales en moins pour l'employeur. Rien de tout cela. Il y a des emplois à trouver en urgence pour les besoins d'une conjoncture, et voilà les entreprises publiques sommées de parer au plus pressé. Et quand on lit, toujours dans la circulaire que «Tout recrutement d'un retraité considéré comme nécessaire devra obtenir l'accord préalable du ministre, de supervision sur la base d'un rapport circonstancié…», on se «rappelle» ce qu'on savait déjà, puisque ça fait un bail qu'on nous le répète : c'est toujours à un plus haut niveau de responsabilité que se défend le mieux l'intérêt général. On peut donc - éventuellement - recruter un retraité, mais c'est le ministre qui «sait» quand, qui et comment, jamais le chef d'entreprise ! Pourtant, si les ministres étaient au-dessus de tout soupçon dans les recrutements de complaisance, ça se saurait. Et puisque la circulaire s'adresse aussi aux sociétés de participation, n'aurait-il pas fallu commencer par là, l'existence même des SGP étant problématique ? Enfin, puisqu'on semble bien effarouché par le prix des jetons de présence des retraités revenus aux affaires qui siégeraient dans plusieurs conseils d'administration à la fois, à quoi servent les conseils d'administration dans des holdings et entreprises qui fonctionnent à l'injonction politique et aux… circulaires ?