Les institutions publiques sont l'origine des politiques et des pratiques économiques et sociales d'un pays et la cause des résultats bons ou mauvais qui en résultent. Mais c'est une toile d'institutions diverses et leur mode de fonctionnement est complexe. Nous avons affaire à des administrations de divers niveaux, des hôpitaux, des universités, des centres de recherche et autres. Un fonctionnement efficace de cet ensemble produirait des résultats aux effets salutaires sur de nombreux secteurs. Mais comment faire fonctionner efficacement et harmonieusement un tissu d'institutions complexes et trop disparates ? Il y a plusieurs dispositions qui sont utilisés par les pays qui arrivent à architecturer des institutions de classe mondiale. Parmi ces outils formellement utilisés pour disposer des entités efficaces, l'audit figure en bonne place. Les spécialistes en business management ont, depuis longtemps, fait usage de cet instrument pour améliorer l'efficacité des structures internes. Bien utilisé, il constitue un outil privilégié de contrôle et d'amélioration des performances. Ainsi, de nombreux Etats l'ont adopté pour faire fonctionner efficacement leur administration et toutes les entités qui sont sous leur responsabilité. L'audit des institutions : les pratiques de base La multitudes d'institutions que nous avons auditées font ce qu'elles peuvent. Elles activent durant une année avec les moyens disponibles. En fin d'exercice elles font leur propre bilan d'activités qu'elles présentent aux échelons hiérarchiques supérieurs. Elles proposent un plan d'action pour le futur, avec les moyens demandés. Cet exercice n'est pas inutile. Il peut conduire à des améliorations tangibles dans beaucoup de domaines. Les institutions qui font participer le maximum de leurs membres à l'auto-évaluation arrivent, en plusieurs instances, à instaurer un climat de collaboration et de mobilisation des énergies de tous. Mais celles qui confient cette tâche à un travail administratif isolé du reste des membres perdent leur temps et leurs ressources. Très peu d'améliorations sont possibles. Il faut donc continuer à faire ce travail d'auto-évaluation, mais le réaliser conjointement et en mettant en place les véritables instruments d'amélioration. Mais cette opération recèle aussi de graves carences. Il est connu intuitivement et scientifiquement que l'auto contrôle est insuffisant et parfois même dangereux. Une institution qui sait qu'elle n'est pas évaluée va sombrer dans l'auto- satisfaction. Elle va attribuer toutes ses défaillances au reste des institutions. Prenons l'exemple d'un hôpital. Il fonctionne tout au long de l'année avec d'énormes contraintes : insécurité du corps médical peu protégé dans l'exercice de ses fonctions, pannes fréquentes du matériel, pénuries récurrentes de médicaments, rémunération comparative démotivante, structures surchargées de malades en trop grand nombre, etc. Ces maux et bien d'autres sont connus du commun des mortels. Lorsqu'on établit des rapports de fin d'année, on grossit ces facteurs et on minimise les carences internes : la gestion des stocks, les recyclages des personnels techniques et administratifs, l'absence de procédures écrites, expliquées et utilisées, la mise en place d'un management plus participatif, etc. Il peut y avoir autant de problèmes internes que de contraintes externes. Mais le plus souvent, l'évaluation interne va minorer les insuffisances de la maison et grossir les facteurs externes Ce que l'audit peut apporter Au sein des institutions publiques, nous avons deux niveaux d'audits qui peuvent améliorer la situation. L'audit des instances hiérarchiques directes. Pour un hôpital, ce serait l'audit périodique de la direction de la santé de la wilaya ou de l'inspection générale du ministère. Il ne s'agit pas ici de dérouler les techniques et les bonnes pratiques des audits. Il n'y a pas de problème à les enseigner et à les faire pratiquer. Un audit bien mené par une structure hiérarchique joue doublement dans le sens des améliorations. En premier lieu, il produit une pression supplémentaire pour une meilleure contribution et une plus grande efficacité dans l'utilisation des ressources des citoyens. En second lieu, il permet souvent d'identifier les lacunes majeures, suggérer comment les traiter et contribuer soi-même à les éradiquer. Mais le second type d'audit est beaucoup plus fiable et prometteur. Il est réalisé par des institutions indépendantes : Cour des comptes, IGF (étendue au secteur administratif). Il ne faut pas voir dans ces institutions un rôle répressif. Cet aspect existe mais serait marginal lorsque les institutions fonctionneraient d'une manière adéquate. Leur rôle serait d'évaluer la contribution de chaque entité par rapport à ses missions et juger l'efficacité de l'utilisation des ressources et recommander comment éliminer les dysfonctionnements et améliorer les performances. Il y a beaucoup d'autres outils dont le but est d'améliorer les performances. Gestion par les résultats, plans d'action, rémunération plus flexible, management plus participatif, développement qualitatif humain. L'audit en fait partie. Mais il y a de nombreuses conditions à satisfaire pour qu'il produise les résultats escomptés. Le point de départ serait l'audit périodique et exhaustif des institutions, en y pointant du doigt les acquis et ce qui reste à réaliser. Mais avant cela, nous devons signaler que les conditions externes défavorables à chaque institution sont une réalité incontournable. On ne peut pas faire comme si elles n'existaient pas. Mais si chaque institution améliorait son mode de fonctionnement interne, elle annihilerait ses impacts négatifs sur les autres. Si la filière pharmacie perfectionnait la gestion de sa supply chain (gestion de tous les processus d'achats, de stockage et de livraison) les pénuries de médicaments disparaîtraient ou seraient minimes et le fonctionnement des hôpitaux s'améliorerait. Dès lors que toute la toile d'institutions progresserait, les effets négatifs externes de chaque institution se trouveraient minimisés. Ainsi l'efficacité globale s'en trouverait améliorée. Les institutions minimiseraient leurs effets externes et seraient de plus en plus mieux responsabilisées sur leurs résultats. Il est urgent d'enraciner la culture des audits indépendants dans les mœurs de fonctionnement de nos institutions.A. L.