Et si le fâcheux incident de santé du président de la République, en se révélant sans gravité, servait d'argument pour les partisans d'un quatrième mandat ? Entre ceux qui évoquent l'incapacité du Président de briguer un quatrième mandat et les autres qui s'échinent à minimiser l'incident jusqu'à sous-entendre que la santé de Abdelaziz Bouteflika ne pose plus problème, le fossé se creuse dans la presse algérienne. Le journal Ennahar est ainsi parti à la rencontre du professeur Rachid Bougherbal, rapportant des propos rassurants sur l'état de santé du Président. A en croire le médecin qui l'a ausculté, le Président aurait «insisté» pour être soigné en Algérie, mais il a dû accepter de subir d'autres examens à l'étranger sur la recommandation de son médecin. «Le Président voulait absolument rester en Algérie, ce qui a d'ailleurs causé du retard dans son transfert au Val-de-Grâce», confie-t-il. Le Président aurait fait part au professeur en cardiologie de sa volonté d'assister à la finale de la Coupe d'Algérie, mais ce dernier aurait refusé, lui enjoignant de prendre du repos. «J'ai reçu un ordre du Président lui-même de parler à la presse en toute clarté et transparence sur sa santé», souligne le Pr Bougherbal en précisant que la durée du repos ne saurait dépasser les 7 jours. Le Quotidien d'Oran adopte une position un peu plus ambiguë en publiant en une un titre énigmatique : «Une présidentielle sans Bouteflika n'est pas un gage de changement». «La concentration des pouvoirs au sein de la Présidence est le gage de la perpétuation du système en place (…) L'absence probable de la course du président Bouteflika n'est pas un gage que l'élection sera ouverte et que l'on va sortir du statu quo», écrit-il et pour qui «un quatrième mandat de Bouteflika serait clairement un signal que le changement politique et la fin des règles ‘‘non écrites'' du régime ne sont pas à l'ordre du jour». «Si le chef de l'Etat n'est pas de la partie, poursuit-on, cela ne signifie pas automatiquement que l'on est dans une optique d'ouverture. Les annonces de réformes ne se sont pas traduites réellement dans les lois par des signaux d'ouverture. La ‘‘stabilité politique'' relative n'est pas le fait d'une adhésion ou d'un niveau de satisfaction suffisant au sein de la société, elle se fait à grand coût, par des dépenses souvent excessives et contreproductives. Certes, beaucoup de clientèles du régime y trouvent leur compte, mais le coût est exorbitant avec une déficience générale dans l'administration du pays qui fait le lit de la corruption.» Le quotidien Algérie News se félicite, de son côté, de la communication officielle sur l'état de santé du Président. «Contrairement à l'expérience de 2005 où le déficit en communication a ouvert la voie à l'intox et aux rumeurs, cette fois-ci, les institutions de l'Etat ont tenu à informer en temps réel l'opinion publique sur l'état de santé du Président. Une bonne évolution…», est-il noté.Par ailleurs, certains titres, à l'exemple d'El Fadjr sous la plume de la directrice de publication, évoquent l'incapacité du Président à gouverner. «La mauvaise santé du Président fermerait la porte au débat autour d'un quatrième mandat», selon El Fadjr. Le journal El Khabar pousse son analyse encore plus loin en évoquant la possibilité d'appliquer l'article 88 de la Constitution relatif à la déclaration de l'état d'empêchement. Le chroniqueur du journal Liberté rappelle, à juste titre, que la question de l'état politique du pays ne dépend pas de la seule question de la santé de son chef d'Etat. «La communication sur l'état de santé du Président prend là toute son importance : l'actualité illustre les effets du primat de la tâche de répartition de la rente sur l'effort de développement qui caractérise ce régime et il devient urgent qu'il puisse organiser le débat sur l'état du pays qui, lui, va vraiment mal», estime Mustapha Hammouche.