«L'hommage légitime que consacre Ali Benflis à nos anciens professeurs est un véritable élixir de jouvence. Son importance n'est pas seulement pédagogique — ce qui va de soi — mais surtout politique», écrit Mohamed Lakhdar Maougal, universitaire, écrivain et vice-président du Conseil scientifique de l'Académie africaine des langues, auteur de la préface du livre de l'ancien chef du gouvernement et candidat à l'élection présidentielle d'avril 2004, Ali Benflis. Ce travail, précise l'universitaire, «met en lumière le dévouement discret et efficace de toute une génération engagée à corps perdu dans la bataille de l'émancipation patriotique, qui passe par celle menée contre l'ignorance et le désert de la réflexion». Mohamed Lakhdar Maougal, camarade de classe de l'auteur, met en valeur «l'intelligence et la subtilité» d' Ali Benflis à «exciter la curiosité de ce qui fait de nous des vivants, des êtres capables de ressusciter nos rêves passés, ni passéistes ni nostalgiques, tant ces rêves peuvent encore grandir en même temps que la croyance en une Algérie éclairée, digne, libre et tolérante, démocratique et cultivée». Plus clair est donc le message de la préface de l'hommage rendu par Ali Benflis à ses enseignants du lycée franco-musulman de Constantine : «Livrée à la déréliction la plus sombre, l'Algérie d'aujourd'hui, comme celle d'hier, peut devenir ce lieu où l'espérance illumine notre existence, pour peu que l'on veuille exercer notre mémoire et notre devoir de reconnaissance à l'égard d'un corps d'enseignants qui fut admirable.» Le diagnostic dressé en quelques feuillets par Mohamed Lakhdar Maougal, de l'école et de la politique de l'éducation nationale, montre l'étendue de la régression dans laquelle le pays a sombré. Le verdict est sans appel : «Entre la mission éducative d'hier au plus fort de la tourmente (le colonialisme) et la démission abrutissante qui sévit dans certaines de nos institutions de formation et d'éducation, la comparaison ne manquera pas de mettre au jour la régression incroyable, peut-être programmée de manière suicidaire par des apprentis sorciers soucieux de prébendes, inquiets de rapines et pillage des richesses de la nation algérienne.» Selon l'auteur, «la convocation de l'exemplarité d'une fonction, ici la fonction éducative, montre que dans les pires moments de son histoire, notre pays a su puiser dans ses formidables ressources pour se reconstituer et résister aux tentatives mortifères». «C'est ce qu' Ali Benflis s'est appliqué à démontrer dans son livre.» Dans une lettre «A mes enseignants», l'ancien élève du lycée Hihi El Mekki (anciennement lycée d'enseignement franco-musulman de Constantine) rappelle «la rigueur pédagogique», l'ouverture sur le monde et l'engagement patriotique contre l'aliénation qui visait à saper les fondements de notre civilisation. «Avec un tel succès, écrit l'ancien chef du gouvernement, le lycée d'enseignement franco-musulman de Constantine était promis, sous la houlette de ses enseignants, à devenir un laboratoire où se mettait inlassablement à l'œuvre, l'esprit curieux, bâtissant pierre après pierre une citadelle de savoir, une forteresse de conviction, sans aucun doute une base avancée pour l'émancipation de la patrie.» Ali Benflis a décrit des enseignants modèles : «En matière de savoir et d'acquisition de connaissances, vos exigences étaient élevées, adossées à une rigueur disciplinaire et à une méthodologie la plus rationnelle possible, dans la continuité sans faille du sérieux et des efforts.» Très marqué par l'exemplarité des maîtres, l'ancien élève de Hihi El Mekki leur a préparé une belle plaidoirie à titre posthume devant «le tribunal de l'histoire», pour les sortir de l'amnésie et le silence qui les frappe. «Ce document, plaide-t-il, constitue la certification de vos actions, d'un acte fondamentalement prométhéen, en ce qu'il traduit votre préoccupation et votre volonté en nous formant, de préparer et de promouvoir l'émergence de l'homme libre pour une nation émancipée. En visant ce but, vous avez entrepris de fabriquer un être pétri de valeurs culturelles et civilisationnelles, négociées entre les impératifs de la spécificité et les exigences de l'universalité.» Mais à travers cette plaidoirie, l'avocat Ali Benflis, qui rend un magistral hommage à l'acte d'enseigner, décline aussi et surtout sa vision et son projet pour l'école algérienne. Il le dit sans détour : «C'est à l'école de ce genre de corps d'enseignants que je me suis formé. C'est celui-là même que je souhaite aux générations présentes et futures.» On soupçonnerait, en effet, que c'est ainsi que l'ancien chef du gouvernement entend introduire son retour à la politique, en prévision de la prochaine élection présidentielle.