L'eau est source de vie. La source est à l'origine de la création de la cité blidéenne et la vie fut créée par la « canne » de Sidi El Kebir. Eau, roche, source, arbre, us et coutumes : les étudiantes et étudiants des Ecoles supérieures des beaux-arts d'Aix-en-Provence et d'Alger ont réussi la prouesse de tout immortaliser avec l'enregistrement des bruits, des lumières, des couleurs, des voix ainsi que les témoignages de celles et ceux qui résistent - « Enracinement et résistance » obligent - aux bouleversements imposés par non pas la vie moderne mais les obligations de temps quasi inhumains. Retrouver le fil de l'Histoire avec un grand H, c'est découvrir les traces d'un passé devenu idyllique. « Nous avons passé trois jours entiers à Sidi El Kebir en allant à une des sources de cet oued à l'origine de la ville de Blida pour descendre jusqu'au barrage fait d'immondices avec un oued non respecté aujourd'hui », confiera douloureusement Denis Martinez, concepteur du projet et coordinateur des différents travaux. Il y aura un livre et un DVD avec un texte de Nourredine Saâdi Supplique à Sidi Ahmed El Kebir pour la purification de l'eau, cette eau qui désaltère et purifie, mais qui peut véhiculer infection et pollution. Les artistes, sublimés par la beauté des paysages, n'en reviennent pas devant le sort infligé à l'eau de la région, une eau « substance voluptueuse » mais aussi source des guerres de demain. Comment « rendre à l'oued sa pureté d'antan », vœu de l'auteur du livre Denis Martinez, peintre algérien paru aux éditions Barzakh et Le Bec en l'air en 2003. Le livre à paraître est aussi l'histoire de ammi Ahmed, de la famille El Aroussi qui a su garder - résistance- la première pierre tombale de l'ancêtre Sidi Ahmed El Kebir. « Il y aura l'image et le dessin réalisés par les étudiants ainsi que le texte de Nourredine Saâdi », dira Martinez qui précisera que les jeunes étudiants ont travaillé en équipes : « Quatre étudiants d'Aix et quatre autres d'Alger avec des paires égales de filles et de garçons. Les travaux individuels convergeront à l'arrivée vers un produit unique. » Le DVD retrace tous les lieux avec deux dénominateurs communs ou permanents : Bahaz, le percussionniste et Mahfoudh Benayachi, le poète -ou goual- qui déclamera son texte en arabe dialectal avec une animation en image numérique. Les enregistrements de son ont été opérés par un enseignant du son ramené de l'école d'Aix. Fait nouveau cette année par rapport aux oliviers du jardin de Sidi Yacoub : « L'édition à l'imprimerie Mauguin d'un livre relié avec une couverture cartonnée et une jaquette et un texte bilingue, puisque la traduction en arabe du texte de Nourredine Saâdi a été faite par le fils même de l'auteur, Qais Saâdi », expliquera Denis Martinez qui était heureux de constater plus de cohésion et beaucoup de spontanéité chez les jeunes artistes : « Ils rigolent sans arrêt ! » Les moteurs dans la fabrication « technique » du livre demeurent les enseignants Jacques Hemery et Jean-Paul Portes alors que René Coupille l'est pour le son dans le DVD dont l'encadrement technique est assuré par Amar Bouras. Projets pour 2007 ? Denis Martinez est partant plus que jamais : « Tout comme pour l'olivier l'année passée et l'eau pour cette année avec une motivation pour Saâdi, nous allons nous intéresser à l'abeille en 2007 avec déjà le principe de trois textes dans les trois langues : Waciny Laredj pour la langue arabe, Aït Menguellet pour la langue amazighe et Maurice Chaudière pour la langue française. » Pas plus de détails par le concepteur du projet : « Nous allons réfléchir mais le principe de quatre étudiants d'Algérie et quatre étudiants de France demeure tout comme le principe de la sortie d'un DVD. » Des visites les 15, 16 et 18 avril au lieu de Sidi El Kebir et que clôtura le karkabou de Bahas avec la procession ce jeudi à la réalisation d'un livre et d'un DVD, c'est tout le cheminement d'une volonté de réaliser un travail artistique professionnel. Ce dernier marquera -ou a déjà marqué- les mémoires de celles et de ceux qui avaient presque perdu jusqu'à l'espoir de tâter de près, de toucher du doigt ce qui semble aller de soi ailleurs et qui relève du prodige, de l'exploit même, ici - c'est-à-dire à quelques kilomètres de la mer et de la montagne, à quelques touches d'un clavier pour se voir connecté à l'universel- et qui ouvre la voie pour le chemin à suivre.