L'université algérienne souffre, aujourd'hui, d'une dégradation généralisée des conditions pédagogiques. L'université algérienne subit de plein fouet les conséquences de la gestion du secteur ayant fait de la politique nationale de l'enseignement supérieur une instance de gestion des flux des étudiants. Lors de son intervention, hier, à la conférence-débat organisée par la fondation Friedrich Ebert à Alger, Farid Cherbal, enseignant-chercheur universitaire et syndicaliste, a retracé l'itinéraire de l'université algérienne, qui a fait durant les années 1970 et 1980 le bonheur des entreprises économiques algériennes avec les diplômés en ingéniorat (bac+5) et les DEUA (bac+3). Avec la crise «multidimensionnelle», une dégradation généralisée des conditions pédagogiques a été accélérée par la réduction du budget de la formation de 700 dollars/étudiant par an en 1987 à 200 dollars en 1999. «La crise a commencé avec la dissolution de l'Office national de la recherche scientifique au début des années 1990», estime M. Cherbal. La crise subie par l'université se caractérise aussi par l'absence d'instances élues au sein de la communauté universitaire. Les responsables académiques ne sont pas soumis au vote de la communauté. «Nous sommes parmi les rares pays au monde où les recteurs et les doyens et autres responsables académiques sont encore désignés», s'indigne le conférencier. LMD, le coup de grâce L'application du système licence master doctorat (LMD) ramené dans les valises de l'Accord d'association avec l'Union européenne, sans étude préalable ni débat, relève des points noirs de la gestion du secteur. Selon le conférencier, «il fallait d'abord algérianiser ce système et le soumettre à un débat général». Actuellement, constate le conférencier, nous avons des cursus et des programmes que les enseignants essayent d'appliquer dans la durée fixée dans le cadre du LMD. Ainsi, au lieu de quatre années de licence, le programme est soumis aux étudiants en trois ans. Les enseignants n'ont pas eu de formations préalables à l'application de ce système qui a donné ses bons résultats ailleurs. «Les responsables auraient dû imposer des retouches, comme ce fut le cas dans certains pays émergents, à savoir la Chine, l'Inde ou encore le Brésil», soutient le même chercheur. Diplômes bidon Face à la situation de marasme généralisé, les étudiants semblent être les seuls à refuser à subir le rétrécissement de leurs carrières qui les met hors circuit des recrutements de la Fonction publique, qui n'a pas suivi les changements introduits dans la formation. Le conférencier rappellera que depuis la mise en œuvre de ce système, les étudiants réclament tous l'accès au master pour parvenir à des débouchés professionnels. Si dans certaines universités ils (les étudiants) ont obtenu gain de cause, ils se battent encore dans d'autres. Cette situation renseigne sur le dysfonctionnement ayant accompagné la mise en place de ce système qui menace le caractère national des diplômes, conclut M. Cherbal.