Ce n'était pas un cours docte, mais un constat sans complaisance : le chercheur et syndicaliste, maître de conférences en génétique moléculaire à la faculté des sciences biologiques, de l'USTHB, Farid Cherbal, a dépeint, hier, un tableau noir de l'état de l'université algérienne. Invité par l'association Rassemblement action jeunesse (RAJ) en collaboration avec la fondation Friedrich-Ebert pour une conférence sur le thème “Université algérienne 1962-2013 : bilan, enjeux et perspectives", Farid Cherbal a estimé que l'absence de démocratisation dans la gestion de l'université constitue l'un des principaux facteurs de la crise multidimensionnelle que traverse l'université algérienne depuis le début des années 1980. “La gestion est au cœur de la crise. Il n'est pas normal que les responsables de l'université ne soient pas élus, comme le recommande l'Unesco", a-t-il déploré. Autres éléments qui structurent la crise : perte de la politique d'enseignement au profit de la politique de gestion des flux, ouverture à tour de bras de centres universitaires sans une évaluation préalable, la globalisation (transformation du rôle académique en marchandise), dégradation des conditions pédagogiques, non-respect des normes pédagogiques, dissolution de l'Office national de la recherche scientifique et diminution drastique du budget de l'enseignement. “À partir des années 1990, en raison aussi de l'exil économique des enseignants par la conjonction de la crise sécuritaire et économique, l'université a cessé sa fonction universelle pour se transformer en machine à produire l'échec", constate Cherbal. Selon lui, l'introduction du système LMD à partir de 2004, “système de formation historique des USA", venu dans les bagages de l'accord d'association avec l'UE, dit-il, a fini par noircir davantage le tableau peu reluisant de l'université. “Il fallait le cadrer, l'algérianiser. Ne pas faire du copier-coller", soutient-il. “Il y a eu destruction du cadre national des diplômes". 23 000 étudiants algériens en France Farid Cherbal n'a pas manqué de faire le parallèle avec les universités étrangères qui attirent beaucoup d'étudiants, captant ainsi des sommes colossales d'argent. 23 000 étudiants algériens sont ainsi enregistrés en France. En 2012, le Canada a enregistré 239 000 étudiants étrangers. Et rien qu'en 1998, 10 milliards de dollars ont été transférés vers le Nord. Face à cette situation, Farid Cherbal, qui estime toutefois que l'université algérienne peut attirer des étudiants étrangers pour peu qu'“on se donne" les moyens, préconise une série de recommandations pour rendre l'université publique performante. Une université qui a le mérite tout de même d'exister (97 centres universitaires dont 47 universités, 52% des étudiants hébergés, 44 000 enseignants, 22 000 chercheurs, 2,5 $ comme frais d'inscription...). Outre la consécration de la démocratisation de la gestion, il plaide, entre autres, pour une revalorisation de la formation de l'étudiant, “au niveau du standard européen", un cadre national du diplôme national, la consolidation de l'enseignement de l'anglais, un partenariat avec le secteur économique, une coopération internationale et la création de postes budgétaires. “Il faut aller à des états généraux de l'université", a-t-il conclu. Dans leurs interventions, nombre d'universitaires ont évoqué d'autres aspects de la crise qui secoue l'université, tandis que le président du RAJ, Abdelwahab Fersaoui, s'est focalisé sur le rôle de l'université dans la société et la nécessité, à ses yeux, pour les syndicats de s'organiser et d'agir. K K Nom Adresse email