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Le Saoudien Ghait Pharaon accapare des navires de la CNAN et réclame 17 millions de dollars
Impliqué dans une fraude financière internationale
Publié dans El Watan le 19 - 05 - 2013

Le Saoudien Ghait Rashad Pharaon accapare 9 navires qu'il exploite dans le cadre d'une joint-venture entre son groupe et IBC, filiale de la CNAN. Il vient de gagner son procès contre la compagnie, l'obligeant à payer des factures suspectes d'un montant de 17 millions de dollars. Ses soutiens au plus haut niveau de l'Etat lui ont permis d'écarter tous les cadres ayant gêné ses intérêts.
Après avoir réussi à faire limoger les cadres les plus gênants dans son action d'accaparer la flotte du groupe CNAN, Ghait Rashad Pharaon, acquéreur de 49% des actions d'IBC, filiale de CNAN Group, vient d'avoir gain de cause dans sa plainte déposée contre la compagnie maritime, pour le paiement de nombreuses factures «suspectes» d'un montant global de 3,4 millions de dollars. Après plusieurs reports, la Chambre du commerce international (CCI) de Paris a prononcé sa décision il y a deux semaines. Une décision qui fait tache d'huile dans le milieu de l'arbitrage.
En effet, Brahim Fardallah, l'arbitre choisi par Ghait Pharaon, a violé l'«obligation de déclarer tout lien avec l'une ou l'autre partie en conflit», comme le stipule la charte de l'institution commerciale. Il a tout simplement évité de révéler le fait qu'il habite dans le même immeuble et au même palier que Ghait Rashad, dans le 8e arrondissement, à Paris (France). Une faute qui aurait donné une autre tournure au procès. Fort de la décision, Pharaon pourra désormais accaparer non seulement les trois navires, le Nedroma et le Nememcha, après qu'il ait vendu le MV Blida. En fait, ce conflit oppose CNAN Group et Pharaon depuis 2010, lorsque l'ancienne directrice générale de CNAN Group, Mme Younès, avait bloqué le virement des montants de factures suspectes relatives à la réparation des trois navires qu'il avait en charge dans le cadre d'un partenariat signé en 2007.
En fait, Pharaon est entré dans le capital d'IBC (filiale de la CNAN) pour exploiter sa flotte de 8 navires, en mettant 9 millions de dollars. Il a également prêté une somme de 5 millions de dollars à IBC, dont le remboursement, selon le contrat de cession, devait se faire sur une période de cinq ans (un million de dollars par an), avec le produit de l'affrètement de la flotte. Dès la signature de cette joint-venture, l'exploitation des huit navires a été cédée par Pharaon à Leadarrow, une société créée aux îles Caïmans, avec un capital de 1000 dollars, par deux cadres dirigeants de CTI Group, dont il est propriétaire. Quelque temps plus tard, de nombreuses factures émanant des chantiers de réparation roumain et grec ont commencé à pleuvoir au niveau de la CNAN. Evaluées initialement à 3 millions de dollars, celles-ci vont grimper crescendo jusqu'à atteindre 17 millions de dollars. De quoi acheter une nouvelle flotte. Parallèlement, le reste des navires rapporte à Ghait des dizaines de millions de dollars.
En 2009, Mme Younès a exigé à CTI Group les factures des réparations effectuées avant tout virement au profit de Leadarrow. Aucune réponse ne lui est parvenue. Mieux, Pharaon menace de recourir aux instances d'arbitrage international d'autant qu'après avoir payé 4 millions de dollars, la CNAN prend la décision de bloquer les paiements jusqu'à ce que les factures détaillées des réparations lui soient fournies. Face à cette mesure, Leadarrow saisit le tribunal maritime de Londres. Après 16 mois de batailles juridiques, CNAN Group obtient gain de cause. Le tribunal décide que Leadarrow n'a pas à payer les réparations des navires, qu'IBC Cnan n'a pas à rembourser les frais de Leadarrow, et que cette dernière ne peut prétendre à une compensation entre ce qu'elle doit payer comme réparation et comme revenu à IBC.
En clair, le tribunal spécialisé de Londres a débouté Pharaon à travers une décision définitive, non sujette à recours. Un verdict qui devait renforcer la position de CNAN Group devant la CCI de Paris, saisie parallèlement par l'homme d'affaires saoudien et qui est prévue dans le contrat de cession entre CNAN Group et CTI. Depuis, Mme Younès a subi d'énormes pressions pour abandonner la procédure de Londres, puis de Paris, avant qu'il ne soit mis fin à ses fonctions. Son départ n'avait d'autre objectif que de saborder la décision du tribunal de Londres et de mettre fin définitivement à toute action qui aurait pu exiger de Pharaon le paiement du fret des navires, de leur maintenance, des salaires des marins et de leurs indemnités. Mme Younès s'est attaquée à un homme au bras long et aux protecteurs multiples.
L'exemple le plus troublant vient d'un des dirigeants d'IBC qui, dans un courrier (dont nous détenons une copie), écrit : «Hier, ce n'était pas la police, ni la gendarmerie qui m'a convoqué mais ce sont les services de sécurité intérieure et extérieure. Ils voulaient tout savoir sur Leadarrow, les charges parties signées avant le contrat de cession, sur la vente des trois Djbel. Ils m'ont gardée jusqu'à 11h du soir. J'ai répondu comme il se doit et j'ai promis de leur donner tous les documents comme preuve dimanche prochain à 10h. Mes boîtes e-mail sont hackées et le téléphone sur écoute. C'est confirmé pour la banque, j'ai rendez-vous à 13h avec M. A., je t'appellerai de chez lui.» Par ailleurs, comment expliquer toutes ces mesures de limogeage ayant ciblé de nombreux cadres qui ont osé défendre les intérêts de la CNAN ?
C'est le cas du président de Gestramar, M. Regainia, qui avait appuyé Mme Younès dans son œuvre de défense des biens de la compagnie, auquel il a été mis fin à ses fonctions, au même titre que son adjoint, surnommé le «Bulldozer» en raison de son abnégation et son amour pour le travail. En raison de ses capacités professionnelles dans le domaine maritime, ce cadre a été repêché par le directeur général de l'Entreprise nationale de réparation navale (Erenav), au moment où l'entreprise commençait à renaître de ses cendres. Quelques mois plus tard, il a fait l'objet d'un licenciement et son PDG s'est vu notifier une mise de fin de fonction.
Ces sanctions n'ont d'autre objectif que de stopper toute action pouvant gêner les intérêts de Ghait Pharaon, un homme bien protégé, cité en 2008 dans une affaire de fraude financière internationale impliquant la Banque de crédit et de commerce internationale (BCCI), pour laquelle il était recherché par Interpol et le FBI. Comment un tel homme peut-il encore bénéficier de privilèges, alors qu'il a désarmé et abandonné l'ensemble de la flotte qui lui a été confiée ? Djbel Onk, Djbel Refaa et Djbel Ksel ont été désarmés et amarrés en Pirée (en Grèce), le Blida, déclaré en totale déperdition sans aviser la CNAN, pour empocher plus de 4 millions de dollars auprès des assurances et enfin Nememcha, Aïn Témouchent, Nedroma, et El Hadjar totalement abandonnés en Asie.


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