Les représentants de l'Etat sortent enfin de leur silence après une profusion d'informations en provenance de France notamment, donnant le président de la République dans un «état grave». L'emballement médiatique sur la santé de Bouteflika a contraint le gouvernement à sortir de son silence pour rassurer l'opinion publique nationale. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a indiqué hier, dans une déclaration répercutée par l'APS, que «le président de la République, dont le pronostic vital n'a jamais été engagé et qui voit son état de santé s'améliorer de jour en jour, est tenu, sur recommandation de ses médecins, d'observer un strict repos en vue d'un total rétablissement». Il a affirmé que «la maladie du président Bouteflika ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir». Visiblement submergé par la tournure des événements, le Premier ministre s'est dit «persuadé qu'à travers la diffusion de fausses informations par certains médias étrangers concernant le président de la République, institution républicaine garante de la stabilité et de la sécurité nationales, c'est en fait l'Algérie qui est visée dans ses fondements républicains, son développement et sa sécurité». Plus tôt dans la journée, le ministère français des Affaires étrangères avait affirmé à la chaîne d'information BFM TV : «Abdelaziz Bouteflika se trouve toujours en France.» Toutefois, le Quai d'Orsay ne donne aucune autre indication quant au lieu où se trouve exactement le chef de l'Etat. Est-il encore au Val-de-Grâce ou pas ? Selon Le Parisien qui cite des sources militaires, le président Bouteflika est «toujours soigné dans l'établissement parisien et se trouve dans un état grave». Le quotidien français affirme que «Abdelaziz Bouteflika aurait vu son état s'aggraver et serait désormais, selon ces mêmes sources, en soins intensifs». Rumeurs et spéculation
C'est la première fois que les autorités françaises s'expriment sur l'hospitalisation de Bouteflika depuis son admission à l'hôpital militaire parisien, le 27 avril dernier. Cette espèce de «mise au point» que le Quai d'Orsay s'est fait un devoir de répandre, s'invitant du coup dans le débat controversé sur la maladie du Président, intervient dans un contexte marqué par un embrouillement politique sans précédent. L'hospitalisation de Bouteflika, qui entame sa quatrième semaine, ne cesse de susciter rumeurs et spéculations des plus affolantes, attisées par le mutisme troublant des officiels algériens. Un silence incompréhensible qui autorise des lectures divergentes, à la veille d'une élection présidentielle des plus incertaines qui pointe à l'horizon. Les déclarations vagues et approximatives de certains ministres et autres conseillers à la présidence de la République attestant que le Président «va bien et qu'il rentre bientôt» entretiennent le flou plus qu'elles ne dissipent l'épais brouillard qui rend impossible toute visibilité tant sur l'état de santé du chef de l'Etat que sur celle du pays. Si jusque-là les autorités politiques du pays communiquent par doses homéopathiques sur l'évolution de l'état de santé du Président, imposant un black-out total, depuis hier l'affaire a pris une toute autre dimension. Les médias étrangers, hexagonaux notamment, se sont emparés du sujet suite à l'interdiction par le pouvoir du quotidien francophone Mon Journal et les graves accusations portées par le parquet d'Alger contre le directeur de la publication, Hichem Aboud. Cette intervention musclée du pouvoir, qui cherchait à étouffer toute voix dissonante et à imposer la loi du silence, a eu l'effet inverse. Une «stratégie» de communication qui a explosé en plein vol. Soumis à un battage médiatique et particulièrement à une pression de l'opinion qui cherche désespérément à savoir «où est passé le Président et de quoi est-il réellement malade ?», le pouvoir ne peut plus continuer à s'embourber dans l'ornière du silence. Il est forcé de dire la vérité aux Algériens. L'opacité – une donnée structurelle du pouvoir en place – a encore une fois montré et démontré ses limites, mais surtout les dégâts qu'elle engendre. De l'avis de nombreux acteurs politiques, l'hospitalisation du chef de l'Etat, qui se prolonge, a pris de court les décideurs et chamboule complètement le calendrier politique. Un accident qui semble fausser les scénarios de la succession. Des partis politiques ne cessent d'exiger des autorités du pays la vérité sur l'état de santé du Président, pendant que d'autres appellent à l'application de l'article 88 de la Constitution sur la procédure d'empêchement.