L'électricité en Algérie est-elle chère ? Du côté de la Sonelgaz comme de celui d'une bonne partie de consommateurs, la réponse à la question est somme toute évidente : " non" pour la compagnie nationale, " oui " pour les consommateurs !Difficile de trancher en ce sens où les arguments mis en avant par chacun se valent. Pour le producteur, Sonelgaz, les prix de l'électricité sont encore très loin de refléter la réalité du marché et le niveau actuel des tarifs ne permet pas à l'entreprise de faire face à ses engagements futurs. D'où la nécessité d'une révision à la hausse des prix. Ils sont, en revanche, très chers, voire hors de porté, pour une grande partie des consommateurs pour qui la facture de l'électricité représente au minimum 10% du revenu familial. Les deux dernières augmentations opérées par la Sonelgaz, aussi faibles soient-elles, ont été suffisantes pour créer la panique dans les foyers de nombreux de nos concitoyens. Le nombre de réclamations reçues par les services de la compagnie nationale, en rapport avec les factures de consommation d'électricité, en dit long sur l'impact de ses augmentations. Il suffit d'ailleurs, pour le vérifier, d'une simple virée dans l'une des agences commerciales de la Sonelgaz à chaque fin de trimestre. Des arguments des uns et des autres se dégage un constat : c'est au niveau du pouvoir d'achat des algériens que se situe le véritable problème. Un pouvoir d'achat qui connaît depuis quelques années déjà une véritable érosion. Comment concilier alors entre la logique purement commerciale de l'entreprise et la question du faible pouvoir d'achat des couches défavorisées ? C'est à ce niveau là que ce situe la problématique des tarifs de l'électricité en Algérie. Nous avons saisi l'occasion de la présence d'éminents experts internationaux dans le domaine énergétique au séminaire sur la réforme des marchés de l'énergie en Afrique tenu la semaine dernière à Alger, pour avoir leur avis sur le sujet. Il ressort des premiers éléments de leurs réponses que le problème en question n'est pas spécifique à l'Algérie. Plusieurs autres pays notamment en Amérique Latine, en Europe et en Asie sont confrontés au même problème de la faiblesse du pouvoir d'achat de certaines de leurs couches social. Mais à la déférence de l'Algérie, ils ont réglé le problème en question. L'exemple du Mexique est à ce titre illustratif. D'après M Pablo Mulas, expert mexicain en énergie et Président de groupe d'étude sur la réforme du marché de l'énergie au sein du Conseil mondial de l'énergie (CME), " le Mexique adopte un système de subventions directes " pour aider les couches pauvres de la population à s'acquitter de leurs factures d'électricité. Seulement, précise-t-il, " le montant exacte de ses subventions est clairement affiché dans les factures ". Ce qui est très important, pour lui, " c'est que les tarifs doivent être réels et incluent les coûts des investissements futur, faute de quoi, le système ne sera pas soutenable ". Quel est le prix réel de l'électricité en Algérie et comment peut-on le calculé ? Pour le cas de l'Algérie, l'électricité est produite à hauteur de 98% du Gaz naturel que la Sonelgaz achète auprès de la Sonatrach à des prix réglementés (prix destinés pour le marché local). Pour connaître alors le prix réel de l'électricité en Algérie, il faut savoir tout d'abord, note M Mulas, " le prix du gaz à l'exportation, qui sert de référence pour le calcul. Ensuite il faut connaître le prix du KW/h et les coûts des investissements futurs". A noter qu'à la déférence des prix destinés pour le marché interne, les prix du gaz à l'exportation sont indexés sur les prix du pétrole, autrement dit, fixés par le marché. Les prix réels de l'électricité sont, sans doute calculés par la Sonelgaz, mais l'on ne connaît toujours pas le niveau, du moins, il n'est pas communiqué pour le public. Dans tous les cas de figures, le niveau réel des prix de l'électricité reste, très supérieur au niveau des tarifs actuels. D'où la nécessité, recommande M Mulas, de mécanismes de soutien aux couches défavorisés. Il existe plusieurs formes de soutiens d'après l'expert qui peuvent être adaptées à chacun des pays confrontés à ce problème de disparité de prix. les subventions directes constitue l'une d'entre elles. Un programme ciblé De son coté Alioune Fall, vice-président du CME chargé de l'Afrique, estime que des " subventions croisées " peuvent constituer une solution efficace pour soutenir les couches sociales les plus démunies. Les pays développés, fait savoir l'expert, " ont pu étendre les services de l'énergie électrique et la faire parvenir jusqu'au au couches défavorisées grâce justement à ces subventions croisées ". Il y a également d'autres formes de subventions qui s'opèrent à travers notamment les tarifs. L'Etat, note M Fall, " peut intervenir en subventionnant par exemple, une partie des investissements pour permettre d'avoir un coût de revient qui soit à la portée des couches défavorisées. Ceci est une forme de solidarité. C'est d'ailleurs ce nous faisons nous au Sénégal ". Les subventions croisées sont valables, indique le spécialiste, à la fois pour les consommateurs en milieu urbains et pour ceux du milieu rural. " S'il faut augmenter par exemple de 15% les tarifs pour des raisons économiques, l'Etat peut demander de les diminués à 10% en prenant en charge, à ce moment là, les revenus correspondant au 5% restant. Cela permettra de rendre les prix supportables par les consommateurs les plus démunis ", argumente le vice président du CME. Le Secrétaire Général du CME, Gérald Doucet rejoint, pour sa part, l'avis des deux experts précités, concernant l'idée des subventions directes que l'Etat doit prendre en charge. Seulement, insiste notre interlocuteur, " le format de subventions directes que le gouvernement doit établir, doit être ciblé et transparent et en dehors des tarifs ". Autrement dit, explique-t-il, les tarifs ne doivent pas être subventionnés, car si c'est le cas, il y aura des abus et des problèmes interminables ". Il faut avoir, recommande l'expert, " un système indépendant géré par le gouvernement qui cible les problèmes de bases ". La question des types de subventions a constitué, d'après lui, un problème pour tous les systèmes au niveau mondial. " On a toujours intégré le problème du pouvoir d'achat avec le tarif. Nous demandons maintenant la séparation de ces deux éléments. Autrement dit, vous avez le tarif qui doit être réel, calculé sur les coûts marginaux, qui doit être payé par les industriels et les entreprises. Et lorsqu'on arrive aux consommateurs défavorisés, on adapte un programme ciblé à leurs problèmes mais d'une façon transparente, temporaire est très bien ciblée. En Algérie, il y a des gens qui ont besoin de l'aide, il faut d'abord les reconnaître ", Conclut M Doucet. C'est justement là où réside le problème en Algérie. Ce travail d'indentification n'a pas été fait. Intervenant sur la problématique des subventions en direction des catégories de citoyens préidentifiés ou des régions défavorisées, le Président-directeur général de la Sonelgaz, Noureddine Boutarfa, reconnaît lui-même " qu'aucun mécanismes de subventions n'existent jusqu'à présent ". Il appartient à l'Etat, note-t-il, " de les construire ". " Se sont des mécanismes très importants en se sens où lorsqu'ils existent, cela aiderai beaucoup les opérateurs à aller d'avantage vers un marché ouvert et compétitif. On n'en est pas encore là ", affirme l'opérateur public.