La course à la succession, après plus d'un mois d'absence du Président (et cela même s'il est revenu/revient/reviendra), est ouverte. Des conclaves et des «thés» sont fréquemment organisés à huis clos pour étudier scénarios et CV. Quelques noms ressortent souvent : quelles seraient les chances des uns et des autres ? -Abdelmalek Sellal. L'homme du consensus Depuis l'hospitalisation du Président, c'est à lui que revient la tâche de rassurer les Algériens sur l'état de santé de Bouteflika. Cette position lui permet d'occuper le terrain médiatique et de cultiver sa stature de présidentiable. L'homme sait également se mettre en scène lors de ses déplacements sur le terrain en affichant sa bonhomie et sa simplicité, ce qui ravit les Algériens qui ne supportaient pas la rigidité d'Ahmed Ouyahia. Mais si Abdelmalek Sellal fait montre (pour l'instant ?) d'une fidélité sans faille au président de la République, il est également conscient de l'avantage qu'il peut obtenir de la situation actuelle. S'il arrive à sortir de l'épreuve sans trop d'éclaboussures, il pèsera sur la prochaine présidentielle. «Il est probable qu'il soit intronisé comme le candidat du consensus, estime l'ancien ministre Abdelaziz Rahabi. On va sûrement mettre en place une coalition de partis (FLN, RND, TAJ et MPA de Amara Benyounès) qui apportera son soutien à un candidat unique, et ce candidat pourrait être Sellal.» D'autre part, cette candidature pourra compter sur «le soutien du cercle présidentiel qui sait qu'avec Sellal, les proches du Président seront épargnés par les affaires», estime un ancien ministre. -Abderrezak Makri. L'outsider «Ambitieux», «intelligent» et «excellent tacticien». Les qualificatifs ne manquent pas pour décrire la personnalité du nouveau président du MSP. Depuis sa nomination à la tête du parti, Makri s'est d'abord attelé à taper sur le pouvoir pour redorer l'image d'un parti qui a trop longtemps affiché son accointance avec le régime, sans jamais fermer la porte à une candidature en 2014. «Il est convaincu que le parti aura une carte importante à jouer lors de la présidentielle, analyse un ancien député du parti. Il peut être une alternative sérieuse s'il obtient la caution internationale. Il peut bénéficier de l'arrivée au pouvoir des islamistes en Tunisie et en Egypte.» Ce plan stratégique très en vogue dans les chancelleries occidentales qui préconise l'arrivée au pouvoir d'islamistes modérés, «peut ne pas avoir lieu en Algérie, estime l'ancien ministre Abdelaziz Rahabi. Alger peut s'appuyer sur le sentiment nationaliste qui est très ancré dans la population, qui transcende tous les autres courants. L'Algérie peut rompre ce lien.» -Ali Benflis. Le retour «Il est prêt et décidé à participer à cette élection» : c'est du moins ce qu'affirme un proche ami de l'ancien chef de gouvernement. Depuis quelque temps, Ali Benflis s'est entouré d'une équipe d'experts, chargés de lui confectionner un programme électoral et occupe déjà un local de campagne. D'autre part, l'ancien candidat malheureux à la présidentielle de 2004, a réactivé ses réseaux et ses contacts. «Il reçoit beaucoup de gens, confirme un proche. Beaucoup de ses anciens soutiens se manifestent à nouveau pour l'encourager et lui déclarer leur totale disponibilité à l'aider.» Reste que l'ancien directeur de campagne du candidat Bouteflika est confronté à l'hostilité du clan présidentiel, qui fera tout pour lui barrer la route des élections. «Ali Benflis est tributaire des rapports de force actuels entre le Président et les décideurs, analyse Rachid Grim, politologue. Si Bouteflika a son mot à dire sur sa succession, Benflis n'a aucune chance.» D'autre part, Benflis doit régler la question épineuse de la forme que devra prendre sa candidature : candidat indépendant ou adoubé par le FLN ? «Même si le FLN décide de faire fi du soutien de la base du parti à Ali Benflis, il sera candidat à la présidentielle, affirme un de ses proches. Rien ne pourra l'empêcher de se présenter.» -Ahmed Benbitour. Objectif 2018 L'ancien chef de gouvernement de Bouteflika est le seul pour le moment à s'être déclaré officiellement candidat à la présidentielle. Si cette annonce, à une année de l'élection, lui a offert une plus grande exposition médiatique, elle ne lui a par contre toujours pas permis de créer autour de lui un élan populaire. «Benbitour veut structurer autour de son nom le mouvement démocratique, analyse Rachid Grim. Mais cela ne marche pas parce que ce mouvement n'est pas unifié. Il est fragmenté. Un parti comme le RCD ne jouera pas le jeu et n'appellera jamais à voter pour un candidat qui n'est pas issu du parti.» Homme d'idées mais sans parti, Ahmed Benbitour péche également par un manque de connexions auprès des décideurs. D'où l'idée avancée par certains d'associer celui qui est considéré comme l'un des meilleurs économistes algériens à Ali Benflis. «Un ticket Benflis-Benbitour est intéressant, reconnaît un sympathisant de Benbitour. Mais cela aura très peu de chances d'arriver, car Benbitour considère qu'il est temps pour lui de jouer sa propre carte et de ne plus rouler pour un autre.» Et si en réalité cette candidature est un tour de chauffe pour préparer celle de 2018 ? «Il est clair que pour Benbitour, l'objectif est 2018, reconnaît un proche de l'ancien chef de gouvernement. 2014 doit lui permettre de développer ses idées et de structurer un mouvement autour de son nom.»