Les partis les plus lourds de la scène nationale se retrouvent à l'arrêt, à seulement un an avant l'échéance Le rôle de la majorité d'entre eux est surtout de meubler une scène nationale indigente, de gesticuler afin de donner l'impression quant à l'existence d'un véritable multipartisme Il reste un an pour l'élection présidentielle tant attendue. Il n'échappe à personne que, cette fois, la course à la magistrature suprême semble avoir un goût différent de celui qu'elle a eu jusqu'à présent. Différent parce que, pour une fois, l'Algérien ne sait pas si le président en poste va, oui ou non, briguer un autre mandat. Certes, Bouteflika a toujours attendu jusqu'au dernier moment pour s'exprimer sur sa candidature, histoire pour un leader de choisir le moment de son annonce et le lieu propice, mais à la différence des fois passées, cette fois, il y a le vent des changements qui pousse à bien prendre son temps avant de procéder à toute annonce. En plus, il y a eu ce «tab jnanna» qui est venu tout obscurcir dans la tête des observateurs de la scène nationale qui ne savent plus si Bouteflika avait voulu signifier par là son retrait de la présidence ou bien s'il a voulu signifier à d'autres que le temps est venu pour qu'ils se retirent des affaires du pays. Demain reste donc ouvert sur toutes les probabilités. Rien d'extraordinaire, sauf que le pilier de toute l'ère Bouteflika, c'est-à-dire la fameuse Alliance présidentielle a connu cette fois un double éclatement. Le premier a eu lieu lorsque l'alliance qui unissait le FLN, le RND et le MSP a volé en éclats. Quant au second, eh bien il est interne et il a commencé lorsque ces trois partis ont connu, chacun de son côté et chacun à sa manière, l'implosion. Une déchirure profonde au MSP avec le départ de Ghoul suivie, un peu plus tard d'autres scissions et de l'annonce de départ de Soltani; une décapitation au RND et une autre, plus houleuse et plus indiscrète, au FLN suivies de la paralysie des deux partis. Les partis les plus lourds de la scène nationale se retrouvent ainsi à l'arrêt, à seulement un an avant l'échéance. Evidemment, on leur trouvera solution lorsque les antagonistes là-haut trouveront entente. Bien sûr qu'ils seront fonctionnels à temps et fin prêts avant le jour J, pour peu que l'on s'entende, entre acteurs principaux de ce système, sur l'orientation à donner à cette période qui débute en 2014 car, et c'est là la question, tout tourne autour de l'orientation future du «système Algérie». L'enjeu est en train de se dérouler autour d'une Constitution qui délimitera les grands traits de cette orientation. Les cartes s'abattent, l'une après l'autre, sur un terrain virtuel qui semble contenir une lutte intense, très intense. Une lutte sans merci où la préservation des avantage acquis par chaque partie en présence n'est pas la dernière des préoccupations. Des appels au quatrième mandat de Bouteflika Lorsqu'on considère les lieux, tout laisse croire, pour le moment, que Bouteflika se présentera pour un quatrième mandat. Il n'y a qu'à voir tous ces partis nouveau-nés qui se tuent à hurler matin et soir, à qui veut les entendre, qu'ils soutiennent un quatrième mandat de Bouteflika. Il n'y a qu'à voir ces chefs de parti, plus anciens, qui leur emboîtent le pas, leur font écho à y perdre la voix. Il suffit de voir tous ces clubs de foot qui descendent sur le terrain avec une banderole sur laquelle ils inscrivent leur voeu de voir Bouteflika postuler à un quatrième mandat pour que s'amenuise le doute quant à un quatrième mandat. Et le problème n'est pas là! Paradoxalement, il n'y a pas que ceux qui soutiennent Bouteflika qui souhaitent ce quatrième mandat! Même ceux qui pourraient ne pas le soutenir vont tout faire pour qu'il se porte candidat et il y a lieu de croire qu'ils pèsent déjà, et qu'ils pèseront, de tout leur poids pour qu'il se représente. Il faudrait donc s'attendre à ce que beaucoup de voix s'élèveront pour demander à Bouteflika de postuler et, bien entendu, puisque sa candidature exhausse le voeu de toutes les parties en place et en réalise l'objectif commun, s'il se porte candidat pour la prochaine élection (ce qui n'est pas encore certain), il en sera sans doute le vainqueur. Bouteflika sera ainsi, vraisemblablement, pressé de toutes parts pour se présenter à sa propre succession. Et si tel est le cas, nous devrons attendre de voir ceci se confirmer d'ici deux à trois mois au plus tard. Cependant, il y a lieu de mentionner que pour certaines parties prenantes, la candidature de Bouteflika n'est en réalité qu'un objectif intermédiaire. L'opposition? Quelle opposition? A bien regarder, notre scène politique nationale, qui n'a pas beaucoup de choix à nous offrir sur le plan des idées et des débats, sur le plan des candidats non plus, ne semble pas très féconde. Si l'on s'amusait à faire une rapide typologie de nos partis politiques, on dégagerait trois grands types. Il y a d'abord les partis qui ont fait l'Alliance présidentielle et qu'il ne convient nullement de classer dans l'opposition car ce sont tous des partis du pouvoir. Ils ont soutenu durant presque quinze années le pouvoir en place, ce n'est pas maintenant qu'ils peuvent se positionner en tant qu'opposants. Ces partis ne peuvent pas être mis sur le compte de l'opposition ni comptabilisés de ce côté-ci des choses. Il s'agit du FLN, du RND et du MSP dont les candidats seront sans doute des candidats du système et du pouvoir en place. Ensuite, il y a les partis qui n'ont pas fait l'alliance mais qui ont été ou sont près du pouvoir. Comme le PT, par exemple, qui a appris à ne s'opposer qu'à ce qui est contre le pouvoir ainsi que certains autres partis, plus petits. Dans ce type aussi, il y a lieu de compter les partis qui ont connu une naissance instantanée et une croissance fulgurante comme les TAJ, les MPA et qui ne se cachent pas d'appeler Bouteflika à un quatrième mandat. Dans le cas où Bouteflika se présentait, ces partis-là pourraient éventuellement fournir des lièvres à la course, mais en cas de non-présentation de la candidature de l'actuel président de la République, leurs candidats ne sont ni assez forts pour s'imposer ni assez préparés pour oser se lancer dans une course qu'ils savent perdue d'avance. Ils chercheront à se rapprocher des candidats les mieux lotis, histoire de faire le rêve que dure cette accointance avec le pouvoir. Enfin, il y a les autres. Tous les autres dont le rôle de la majorité d'entre eux est surtout de meubler une scène nationale indigente, de jouer à celui qui crie au loup, de gesticuler afin de donner l'impression quant à l'existence d'un véritable multipartisme, comme si ce dernier s'arrêtait à la multiplication du nombre des organisations à caractère politique comme les qualifie la loi. Ces partis-là ne présenteront pas tous des candidats, mais il s'en trouvera comme il s'en est trouvé qui en présenteront. C'est, après tout, un droit constitutionnel et rien ne les empêche d'en user, voire d'en abuser! Parmi ce dernier groupe, nous rangeons, à contre-coeur, un certain FFS qui s'est autodétruit le jour où il a accepté de porter son opposition sur un terrain qui n'est pas le sien et qui, depuis, n'arrive plus à sortir de la crise. Tout compte fait, on pourrait se demander où est l'opposition en Algérie. Les indépendants? Trop peu soutenus A côté de cette opposition quasi inexistante, certains candidats indépendants tentent tant bien que mal de sortir la tête du lot, sachant pertinemment que chez nous, la tête qui sort du lot est souvent décapitée. Certains, à force d'essayer, en vain, et rongés par l'âge et certainement quelques maladies s'y rapportant, ont fini par abandonner. Nous faisons ici allusion à Ahmed Taleb Ibrahimi qui, à 82 ans, a dû renoncer depuis longtemps à tenter sa chance. Nous faisons aussi allusion à Sid Ahmed Ghozali qui, à 76 ans, se trouve, lui aussi pratiquement exclu d'un jeu qui échappe à son temps et à Hamrouche qui, à 70 ans ne doit plus avoir les capacités de ses ambitions. Tout comme Ali Benflis qui, à 70 ans en 2014 devra certainement s'y prendre à deux fois avant de présenter sa candidature.Toutefois, il existe quelques chances pour que Hamrouche et Benflis postulent au poste de président de la République s'ils se sentent en avoir l'âge, bien sûr. Ceux qui restent dans ce groupe des indépendants ne sont pas très nombreux. Le système en place s'est bien chargé de laisser vieillir les bons et de faire oublier les autres, de manière à empêcher toute relève. Parmi les rescapés du temps et du système, on retiendra surtout Ahmed Benbitour. Docteur en économie, diplômé de l'Université de Montréal, et ex-chef de gouvernement (1999-2000). Il n'est pas très jeune, mais à 66 ans, il n'est pas trop vieux non plus pour diriger un pays comme le nôtre. A son actif, il y a le courage d'avoir déposé une certaine démission de son poste de chef de gouvernement, mais il semble qu'on soit en train de lui tomber dessus, ces jours-ci, tout feu dehors pour essayer d'en diminuer les chances. Ouyahia, le retour? L'autre rescapé du système, mais aussi parce qu'enfant de ce système, Ouyahia. Il n'est un secret pour personne que, depuis de longue date, Ouyahia se préparait à succéder à l'actuel locataire d'El Mouradia. Une ambition, somme toute, légitime et qui n'a rien d'anormal. Ceux qui ne voulaient pas de sa candidature, et pour empêcher Ouyahia et ses soutiens d'arriver au pouvoir et de prendre en main l'Algérie post-Bouteflika, ont décidé de les amputer du soutien du RND, cette machine spécialement rodée pour remporter des élections. Le redressement par certains militants n'est, en fait, rien qu'un subterfuge, voire un prétexte politique comme il existe des prétexte littéraires dont se servent les auteurs de romans pour introduire leurs oeuvres. Ce départ forcé de Ouyahia qui avait tout du successeur potentiel à El Mouradia, a chamboulé la donne. Ceux qui soutenaient et préparaient, depuis de longue date, sa candidature, se sont trouvés d'un coup comme désarmés, démunis, avec leur candidat mis à l'écart, à une année seulement de l'échéance. Mais le système a le souffle plus long que les hommes, surtout lorsque c'est lui qui les a faits. Et dans ce système, rien n'est définitif. Bien que pas impossible, le retour de Ouyahia à la tête du RND est désormais difficile à concevoir. L'homme doit se sentir tellement trahi par les siens qu'il lui sera impossible de revenir en tant que chef. Il existe cependant au moins deux solutions alternatives pour ceux qui le soutiennent. La première c'est de faire de Ouyahia, en cas de non-présentation de Bouteflika pour un quatrième mandat, le candidat du RND sans en être le secrétaire général. Cette option n'est ni impossible ni interdite. L'homme pourra faire valoir son expérience et sa carrière qui le qualifieront devant tous les autres membres du parti RND. Ensuite, il suffira de lui assurer l'aide de ce parti pour lui assurer la chaise d'El Mouradia. Ceux qui le décriaient hier se chargeront bien de trouver l'excuse de le soutenir, et ils trouveront bien la formule appropriée pour le faire. Cette option donne lieu à deux éventualités du côté du FLN. Soit ce vieux parti FLN ne présente pas de candidat et il soutiendra dans ce cas celui de son frère ennemi, le RND, ou alors il présentera, pour la forme, son candidat qui devra être un simple lièvre, histoire d'y mettre un peu de manière. La seconde possibilité c'est, en cas de présentation de Bouteflika, de faire de Ouyahia son vice-président. Ceci signifie que les soutiens de Ouyahia doivent être en train de plaider pour l'introduction du poste de vice-président dans la nouvelle Constitution. En fin de compte, et si l'on prend la peine de compter sur les doigts, nous avons au minimum un (Hamrouche), deux (Benflis), trois (Benbitour), quatre (Ouyahia) candidats. Quatre ex-chefs de gouvernement qui pourraient se retrouver aux starter-blocks une certaine année 2014 si Bouteflika ne se représentait pas. Il se peut même que nous ayons six ex-chefs de gouvernement sur la ligne de départ (un Belkhadem qui pourrait tenter sa chance, ne serait-ce qu'une fois dans la vie, et un Ghozali qui peut ne pas se sentir trop vieux). Dans le cas contraire, ils ne seront que deux au plus. Benbitour qui l'a annoncé et, peut-être, Benflis, histoire d'essayer de prendre sa revanche sur le temps. Hamrouche et Ouyahia, parce qu'issus du système, savent bien à quoi s'en tenir alors que Belkhadem et Ghozali n'oseront pas l'aventure.