Onzièmes rencontres cinématographiques de Béjaïa, du 8 au 14 juin. Le point sur la manifestation... -Les Rencontres cinématographiques de Béjaïa sont organisées par l'association Project'heurts. Quels sont ses objectifs et ses activités principales ? L'association Project'heurts existe depuis 2002. Elle a été créée par un groupe de jeunes gens soucieux de dynamiser un tant soit peu l'activité culturelle dans la ville de Béjaïa. Dès le début, nous avions fixé un objectif principal, à savoir l'animation du champ cinématographique dans la ville. Pour ce faire, nous avons défini un ensemble d'activités. Nous avons initié un ciné-club avec l'idée de renouer avec la tradition des projections débat qui avaient cours les années précédentes. Par la suite, nous avons amorcé un partenariat avec l'association Kaina cinéma. La première édition des rencontres cinématographiques de Béjaïa a eu lieu en juillet 2003. Depuis, d'autres activités ont vu le jour, telles que «La nuit du court métrage» et «Les ateliers de formation et d'initiation au genre cinématographique» destinés notamment aux jeunes réalisateurs. -Les Rencontres cinématographiques apparaissent comme le volet le plus important de vos activités. Quelle forme prennent-elles ? Les Rencontres cinématographiques sont l'une des activités phares de notre association. Elles se proposent d'être un lieu de débat et de réflexion autour du septième art. Ce rendez-vous annuel offre l'opportunité aux réalisateurs(trices), débutants et confirmés, de se rencontrer et d'échanger autour de leurs réalisations. Pour le public, ces rencontres sont appréhendées comme un moment privilégié qui lui permet de découvrir des réalisations cinématographiques nationales et internationales en présence des réalisateurs(trices). -La dimension compétitive semble délibérément écartée. Est-ce le cas ? En effet, l'aspect compétitif n'existe pas dans cette manifestation, puisque notre objectif ne consiste pas à mettre en compétition des productions cinématographiques. Nous visons plutôt à susciter le débat et la réflexion afin de faire évoluer le septième art. Nous poursuivrons cette formule en raison de sa pertinence, à savoir favoriser l'existence d'espaces d'échange et de débats relatifs au cinéma qui ne sont pas légion en Algérie. -Quels sont les genres cinématographiques en matière de style et de format que vous privilégiez ? Quels sont les critères de sélection ? Nous privilégions tous les genres cinématographiques (longs, courts métrages, films d'action...). Nous accordons une priorité aux films qui se distinguent par une originalité sur le plan de la forme, du fond, et par leur capacité à susciter le débat. Nous essayons de promouvoir les films de cinéastes, qui, à travers leurs œuvres, invitent et incitent le public à partager leurs doutes et leurs questionnements. Le cinéma n'est pas une science sociale. C'est un art qui met en lumière l'aspect subjectif du réalisateur et, en quelque sorte, son égoïsme assumé. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c'est en assumant sa subjectivité et son égoïsme qu'il se livre et qu'il devient généreux. Et je pense qu'il est important de retenir cette dimension de générosité qui est le biais par lequel les réalisateurs(trices) partagent leurs doutes, leurs préoccupations et leurs inquiétudes avec leur public. -Les Rencontres cinématographiques de Béjaïa en sont à leur 11e édition. Quel est le thème principal de cette année ? La procédure de sélection des films n'est pas basée sur une dimension thématique, car, de notre point de vue, cette approche réduit considérablement notre éventail de choix. Nous favorisons plutôt une démarche qui privilégie la qualité de la création cinématographique, l'aspect esthétique ainsi qu'une diversité thématique. Pour cette onzième édition, nous avons accordé une importance capitale aux films qui traitent de sujets divers et variés et dont les thèmes reflètent les préoccupations des sociétés contemporaines. A titre d'exemple, on peut citer le sujet des institutions bancaires, des armées, de la vulnérabilité de l'homme... -Quels sont quelques-uns des films sélectionnés ? Pour cette onzième édition, nous avons retenu une trentaine de films. Le public aura le loisir de découvrir le dernier long métrage du réalisateur Nadir Mokhnache, Goodbye Morocco, le film de Fawzi Bensaïdi, Mort à vendre, Babylon de Ala Eddine Slim et Youssef Chebbi qui a obtenu le grand prix de la Compétition internationale à la vingt-troisième édition du Festival international de Marseille (2012), Modelage, du jeune réalisateur algérien, Tariq Massi, film qui, de notre point de vue, fera sensation. Une série de courts métrages est également prévue au programme, tels que Edwidge, de Mounia Meddour, El Djazira (L'île) d' Amine Sidi Boumédiène, le documentaire multimédia, Un été à Alger, réalisé par quatre jeunes réalisateurs... -Parallèlement aux projections de films, Project'heurts organise «Côté courts», un atelier consacré à l'écriture de courts métrages. En quoi consiste-t-il ? L'atelier «Coté courts», qui entame sa sixième édition cette année, permet à de jeunes scénaristes de bénéficier d'un encadrement et d'un suivi soutenu tout au long du processus d'écriture de leurs scénarios. Ces derniers sont sélectionnés après l'opération d'appel à candidature lancée quelques semaines avant les Rencontres. Depuis 2012, et grâce à l'apport encore plus conséquent de notre premier partenaire, Canal France International (CFI), nous avons augmenté les sessions et les scénarios sélectionnés. Le nombre de sessions est de trois au lieu d'une. Quant au nombre de scénarios, il s'est élargi au nombre de douze. -Quel bilan dressez-vous de ces Rencontres cinématographiques depuis onze années de promotion du septième art à Bejaïa ? Le fait de continuer d'exister tout en étant indépendant de toute chapelle institutionnelle est un point qui nous semble positif. Cette manifestation est devenue au fil des années, un rendez-vous important dans le paysage cinématographique algérien et dans l'environnement culturel de la ville de Béjaïa et de sa région. Elle permet au public bougiote de découvrir de nouveaux films, de rencontrer des cinéastes et d'avoir des échanges autour de leurs films et du cinéma en général. Au fil des ans, nous faisons le constat que les Rencontres cinématographiques attirent un grand nombre de personnes qui manifestent un intérêt de plus en plus grandissant au septième art. -Quelles sont les difficultés rencontrées par votre association ? La difficulté première est d'ordre technique et matériel notamment. Les films sont projetés dans la salle de la Cinémathèque de la ville et malgré les améliorations réalisées, les moyens de projection demeurent insatisfaisants. Le manque crucial de salles de projection est le problème auquel nous nous confrontons chaque année. En effet, le fait de ne disposer que d'une salle limite considérablement notre action puisque cet aspect nous contraint à réduire le nombre de films sélectionnés à trente seulement. Le financement de ces Rencontres cinématographiques est l'un des problèmes majeurs. Bien que cette manifestation bénéficie d'un financement multi-partenarial, il semble néanmoins important de préciser que ces dotations demeurent insuffisantes. Nos partenaires principaux sont l'Assemblée populaire communale (APC) de Béjaïa dont l'apport est de plus en plus conséquent, l'Assemblée populaire de wilaya (APW), l'Office national des droits d'auteur (ONDA), la maison de la culture qui abrite le siège de Project'Heurt, la Cinémathèque et le théâtre régional Malek Bouguermouh qui nous accueillent à l'occasion de ces rencontres. El Watan, Cevital, l'imprimerie Harani, le service culturel de l'ambassade de France et Canal France international sont également des partenaires qui permettent aux Rencontres cinématographiques d'exister. Nous sommes dans l'expectative d'un financement conséquent du ministère de la Culture puisque, pour l'exercice 2012, nous n'avons perçu que 200 000 dinars, ce qui représente moins de 3% du budget global des rencontres.