La commémoration du 53e anniversaire du décès du précurseur et grand tribun de l'Islah algérien, Cheikh Taieb El Okbi, a eu lieu le 11 mai dernier au Nadi Taraki (Cercle du progrès) Cette commémoration a attiré un important public comprenant des notables et personnalités religieuses et culturelles dont le vénéré ancien imam de la Grande mosquée d'Alger, Boudjella Ahmed. La séance a été ouverte par le Professeur Abdous Abdelhamid, rédacteur en chef à El Bassaïr qui a situé le cadre de cette commémoration : lutte contre l'oubli des personnalités qui ont façonné l'Histoire nationale avant le déclenchement de la Révolution et relevé le niveau de la société algérienne. Le Professeur Mohamed El Korso, historien, spécialiste de l'Islah dans l'Ouest algérien, décrit le rôle du Nadi Taraki, animé par le Cheikh Tayeb El Okbi, qu'il compare au rôle du Dar El Hadith à Tlemcen, ou de Masdjad El Akhdar, à Constantine. Le conférencier insistera sur la méthodologie de l'Islah organisée à compter de mai 1931 au sein de l'association des Oulémas algériens. Les Oulémas utilisaient les Nadis (lieux de rencontres, de sociabilité, de conférences) et les médersas libres (connaissance de la langue arabe, enseignement religieux et patriotique). Il dira en substance que les Oulémas ont basé leur action sur l'instruction et la culture. Le Professeur Ikdeh Zoubir, enseignant en sociologie à la faculté de Bouzéréah, dira que le Cheikh El Okbi a privilégié l'action sur le terrain et n'hésitait pas à aller vers les classes les plus défavorisées de la société. Il a été, dira le conférencier, un formidable éveilleur de consciences et a poussé le peuple à lutter contre la résignation. Sous sa direction, le Nadi Taraki est devenu le centre autour duquel convergeaient les associations éducatives, culturelles, sportives et celles du scoutisme. Le résultat de son action est apparu très vite. Il rappellera que le Cheikh avait déjà participé au mouvement de la Nahda arabe au Moyen-Orient et qu'il a donné des conférences à Médine, à Mekka (La Mecque) et à la mosquée d'El Qods, avant son retour en Algérie en 1920. Sans tabous, le conférencier révélera que même les «mauvaise filles» de La Casbah ont eu droit à sa visite et il convaincra une grande partie d'entre elles à opter pour une vie digne, conforme aux préceptes moraux de la religion islamique. Il conclura en disant que le Cheikh a su créer et développer une très grande solidarité entre les différentes strates de la société algérienne . Mlle Zekour Affaf parlera des associations supervisées par le Cheikh, en plus du Nadi Taraki, le Cheikh supervisait la médersa Chabiba (médersa pour filles et garçons) et l'association caritative El Kheiria, toutes deux situées à La Casbah. Très documentée, la conférencière soulignera le rôle très positif joué par les notables d'Alger dans le relèvement économique, éducatif et culturel du peuple. Avant les débats, il a été procédé à une projection de photos qui illustraient l'action du Cercle de la Chabiba et montraient le Cheikh lors de ses déplacements en Algérie, en Tunisie, en Palestine et au Hidjaz . Au cours des débats, de nombreux intervenants ont fourni des détails et anecdotes allant dans le sens des informations fournies par les conférenciers et qui décrivaient le contexte de l'époque et les obstacles dressés par l'Administration coloniale. Un intervenant a fait part des liens du Cercle avec le mouvement des Scouts musulmans algériens. Le chahid, Bouras Mohamed, était un fervent auditeur du Cheikh au Cercle du progrès et l'accompagnait dans ses divers déplacements en dehors d'Alger. Jusqu'en 1933, le Nadi Taraki était le siège du Mouloudia d'Alger et les principaux dirigeants, dont Mahmoud Bensiam, étaient très proches du Cheikh. Quant à l'USMA, sa création, en 1937, a été l'idée des regrettés Omar Aïchoun et Mustapha Kaoui, très liés à l'action d'El Okbi et qui seront des militants du FLN dès 1955. M. Gourrou, notable d'Alger, a aussi bénéficié de la formation à Echabiba, qui avait des méthodes pédagogiques avancées. Un autre intervenant a déclaré que ce même jour, Cristian Delorme, prêtre à Lyon et partisan du dialogue inter-religieux (France), interviewé par la Télévision algérienne 5 Canal Algérie ) a révélé que l'Algérie a eu la primeur du dialogue inter-religieux par le biais du Cheikh Tayeb El Okbi, qui a été un des fondateurs de l' «Union des croyants monothéistes» dont le siège était le Nadi Taraki. Un autre intervenant fera part de l'importance du Nadi Taraki animé par El Okbi, du don oratoire exceptionnel de ce dernier et de la valeur d'exemple du Cheikh, qui a consacré sa vie au relèvement du peuple algérien et à sa libération. Le moment le plus émouvant du débat a été celui où Mme Veuve Dehiles Sadek (veuve du chahid et grande figure de la Révolution, Abane Ramdane) a pris la parole pour faire part à l'assistance de sa formation à la Chabiba. Elle dira que la Chabiba était une école de patriotisme où elle a appris, en plus de la langue arabe, les principes de l'islam et les chants patriotiques, mais c'était une médersa très ouverte sur l'esprit moderne. Elle conclura en disant que Cheikh El Okbi rendait visite à la Chabiba et était un personnage adulé par la population et sa présence impressionnait . Cette demi-journée s'est avérée très insuffisante pour continuer le débat et en conclusion, le Professeur Abdous Abdelhamid a proposé d'instituer une journée complète pour la commémoration du décès de cette grande figure nationale. En conclusion, cette demi-journée a été riche en enseignements avec les conférences de professeurs réputés et la présence d'un public nombreux et très intéressé.