Des discordes houleuses ont éclaté vendredi à l'Assemblée nationale constituante (ANC) entre les députés du CPR et ceux d'Ennahdha, empêchant la tenue de la réunion de la commission des deux pouvoirs et bloquant, par conséquent, la transmission du projet final de la Constitution au président de la République. Tunis De notre correspondant Les différends à l'ANC étaient politiques jusqu'à ces derniers jours. Ils tournaient autour de la nature du régime ou de l'expression à donner à l'aspect civil de l'Etat. Toutefois, les choses se sont empirées hier et les députés en sont «presque» arrivés aux mains.Pour cause, plusieurs blocs parlementaires ne sont pas satisfaits de la mouture finale de la Constitution et essaient par tous les moyens de bloquer son passage dans sa version actuelle à la plénière pour vote. Afin d'empêcher ce passage, le président de la commission des pouvoirs législatif et exécutif, Amor Chetoui, a refusé de tenir la réunion de sa commission, dont le procès-verbal est nécessaire pour transmettre le projet de la Constitution à la présidence de la République. Amor Chetoui est allé jusqu'à s'emparer du registre des procès-verbaux et refuser de le remettre à sa place. C'est donc le KO au niveau organisationnel à l'Assemblée. Mais pourquoi en est-on arrivé là ? Différends persistants De l'avis de tous, la dernière mouture de la Constitution est, certes, meilleure que les trois autres qui l'ont précédée. Beaucoup de corrections ont été opérées selon les recommandations du «dialogue national», entrepris entre les partis politiques en deux étapes durant les mois d'avril et de mai. Toutefois, il y a encore des corrections à faire, selon le professeur Yadh Ben Achour, éminent constitutionnaliste et président de l'association de recherche sur la transition démocratique. «Il s'agit surtout d'assurer un meilleur équilibre entre les pouvoirs législatif et exécutif, car du flou persiste encore sur les mécanismes pour dissoudre l'Assemblée», selon Ben Achour, ce qui rapprocherait le régime politique davantage d'un régime «conseilliste», plutôt que d'un régime présidentiel aménagé ou parlementaire aménagé. Le professeur Ben Achour s'est également fermement opposé aux dispositions transitoires «pouvant ouvrir la voie à une troisième phase de transition par l'application progressive préconisée pour la nouvelle Constitution». Par ailleurs, la réaction agressive de Amor Chetoui à l'ANC est une réponse au flou artistique constaté dans le régime politique. Chetoui étant un supporter de prérogatives effectives pour le président de la République, ce que Ennahdha refuse. équilibres politiques En matière d'équilibres politiques, la troïka gouvernante est pratiquement divisée sur le projet de Constitution. Chetoui appartient en effet au CPR et, pourtant, il a été le plus agressif contre le projet soutenu par ses alliés Ennahdha et Ettakattol. Par contre, Al Joumhouri de Néjib Chebbi a émis un satisfécit à l'adresse du projet qu'il trouve «une base acceptable pour une bonne Constitution». Al Massar et le Front populaire sont contre le projet. Le porte-parole d'Al Massar, Samir Taïeb, conteste l'article 141 qui parle de «l'islam comme religion de l'Etat». Or, «un état civil, tel que cité dans l'article 2, ne saurait avoir de religion», s'insurge-t-il. Avec un tel tableau de bord, les deux tiers requis pour l'adoption de la Constitution en première lecture ne sont pas garantis. Il faudrait alors passer par un référendum, ce que les politiques, de tous bords, refusent. La centrale syndicale, qui a parrainé la deuxième phase du «dialogue national», propose une troisième phase pour sceller le sort de la Constitution et parvenir à une formule vraiment consensuelle.