Le bras de fer entre Ennahda et l'opposition laïque reprend de plus belle, au lendemain de la présentation de la version « finale » du projet de la nouvelle Constitution. Plus d'une année après s'être mis d'accord pour rédiger la future loi fondamentale qui doit obtenir le soutien des deux tiers de l'Assemblée constituante (ANC), la classe politique tunisienne peine à trouver un consensus. Fort de ses 89 sièges - sur les 217 élus que compte l'ANC - le parti de Rached El Ghannouchi, qui domine le gouvernement, est soupçonné par plusieurs partis de « velléités autoritaires » à la faveur de ce nouveau texte. Quelques commissions faisant partie du comité parlementaire chargé de ce dossier ont vivement critiqué la mouture, exhortant le comité à amender plusieurs articles, mais ce dernier s'y est farouchement opposé. « Il y a eu beaucoup de manoeuvres et de contournement des règles qui nous rappellent les procédés du (président déchu) Ben Ali », a dénoncé Amor Chetoui, président d'une de ces commissions, et élu du Congrès pour la république (CPR), le parti du président Moncef Marzouki allié d'Ennahda. Il accuse le mouvement islamiste de chercher à « accaparer le pouvoir ». « C'est un parti qui veut tout avoir par le chantage et les manœuvres sans rien donner en contrepartie », poursuit-il. En théorie, le projet devait être soumis aux différentes commissions de l'ANC puis au président Marzouki et au Premier ministre Ali Larayedh avant d'être voté, entre le 20 juin et le 8 juillet. Un des points litigieux concerne un article peu clair stipulant qu'aucune réforme constitutionnelle « ne peut porter atteinte à l'Islam en tant que religion de l'Etat » tout en garantissant le « caractère civil de l'Etat ». Selon Selim Kharrat, directeur d'Al Bawsala, une organisation dédiée au suivi des travaux de l'ANC, le nouveau projet ouvre un « nouvel épisode du conflit » entre Ennahda et l'opposition libérale mais aussi avec ses partenaires de la Troïka. « Il y a eu une précipitation dans l'annonce du projet finalisé alors que 'opposition demandait cinq jours de plus pour trouver un consensus plus large », a-t-il expliqué, en estimant « nombreux ceux qui jugent que l'esprit de ce texte n'est pas fidèle à l'esprit de la révolution et à ses revendications ».