Le projet de Constitution tunisienne présenté comme finalisé sera vraisemblablement encore modifié face aux critiques, ont expliqué lundi des experts et des élus dénonçant un coup de force des islamistes d'Ennahda. Le compromis annoncé par la présidence de l'Assemblée nationale constituante (ANC) a été élaboré par un comité parlementaire en charge de la coordination des travaux des différentes autres commissions. Or certaines d'entre elles ont vivement critiqué des arbitrages et la Commission parlementaire des pouvoirs législatif et exécutif refuse même d'examiner le texte. “Il y a eu beaucoup de manœuvres et de contournement des règles qui nous rappellent les procédés du (président déchu Zine El Abidine) Ben Al”i, a dénoncé Amor Chetoui, président de cette commission, dans le quotidien la Presse. “Cet élu du Congrès pour la république (CPR), le parti du président Moncef Marzouki pourtant allié à Ennahda, a accusé le mouvement islamiste de chercher à accaparer le pouvoir. C'est un parti qui veut tout avoir par le chantage et les manœuvres sans rien donner en contrepartie”, a-t-il dit. Le député d'Ennahda Imed Hammami a vivement dénoncé à l'antenne de la Radio Mosaïque FM ces déclarations erronées, imprécises et irresponsables. “Ce projet est le fruit d'un travail d'un an et six mois et il y aura une session plénière (de l'ANC) au cours de laquelle des modifications pourront être apportées”, a-t-il souligné. Du côté de l'opposition, nombre d'élus ont exclu un débat sur ce texte. “On s'engage dans une nouvelle période de crise. Il n'est pas question de présenter un tel texte en plénière à l'ANC”, a dit Nadia Chaabane, une députée d'opposition du parti Al-Massar. En théorie, le projet de Constitution présenté samedi devait être soumis aux différentes commissions de l'ANC puis au président Marzouki et au Premier ministre Ali Larayedh avant d'être voté entre le 20 juin et le 8 juillet. “En réalité, on ouvre un nouvel épisode du conflit, le match continue. Il y a eu une précipitation dans l'annonce du projet +finalisé+ alors que l'opposition demandait cinq jours de plus pour trouver un consensus plus large”, a expliqué Selim Kharrat, directeur d'Al Bawsala, une organisation dédiée au suivi des travaux de l'ANC. Un des points litigieux concerne un article stipulant qu'aucune réforme constitutionnelle ne peut porter atteinte à l'islam en tant que religion de l'Etat tout en garantissant le caractère civil de l'Etat. Autre désaccord, Habib Kheder, le rapporteur du texte, est accusé d'avoir ajouté de manière discrétionnaire des dispositions très controversées dans l'une rendrait immuables pour trois ans l'ensemble des lois adoptées par l'ANC où Ennahda est majoritaire, selon Mme Chaabane. Les principaux partis s'étaient donné un an à compter de l'élection de l'ANC le 23 octobre 2011 pour rédiger la nouvelle loi fondamentale. Mais les travaux ont progressé très lentement et les autorités n'ont respecté aucun des calendriers annoncés au fils des mois. Pour être adopté, la Constitution doit obtenir le soutien des deux tiers des députés de l'ANC, où Ennahda compte 89 élus sur 217.