L'art lyrique peut aussi œuvrer à décloisonner les barrières sociales dans un monde difficile. Bernard Foccroule, directeur du festival d'Aix-en-Provence s'en porte garant. Lyon. De notre correspondant La saison estivale est l'occasion du retour des festivals en France. L'opéra particulièrement est à l'honneur à Orange où les Chorégies enchantent le site du splendide théâtre romain antique, un des mieux conservés au monde. Et aussi dans la ville médiévale d'Aix-en-Provence. Dans ce Sud magique, patrie d'adoption de Picasso ou de Van Gogh, ville de naissance d'Emile Zola et d'autres personnages de la culture française, on en viendrait presque à oublier dans la suavité musicale la dureté du monde d'aujourd'hui dans lequel la crise se conjugue avec violence et le chômage avec perte d'identité. Les difficultés financières de certaines maisons de musique et d'opéra, ou des festivals, sont le fruit du paradoxe d'une baisse de l'engagement de la puissance publique et une diminution de fréquentation. Cette dernière n'étant pas seulement la résultante d'un souci financier puisque le public de l'opéra fait partie des nantis, mais révèle peut-être un trouble de civilisation, nous semble-t-il, aussi. Ce n'est pas sans raison que Bernard Foccroule, directeur du Festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence, qui ouvrira cette année le 4 juillet, signe une intéressante contribution, publiée récemment dans les colonnes de Libération, et que le festival d'Aix nous a aimablement communiquée. Parce que les propos rejoignent les interrogations de certains lecteurs, il nous apparaît que les interrogations portées éclairent un point de vue culturel judicieux face à ce qu'on peut nommer, ici ou là, le dérèglement du monde, titre d'un ouvrage d'Amin Maalouf, cité par B. Foccroule. Ainsi, M. Foccroule, ambassadeur culturel européen 2013, parle de «l'opéra et le devenir de l'Europe» et déborde largement dans une proposition à explorer : «la question du dialogue entre les cultures fait partie de ces nouveaux défis : très souvent, nos institutions culturelles n'ont guère été préparées à intégrer cette dimension, si ce n'est à la marge de leurs activités. Dans un monde globalisé, ce repli est-il encore tolérable ? N'avons-nous pas à inventer de nouveaux rapports entre artistes venus d'horizons différents, entre traditions culturelles et créations ? Ne faut-il pas repenser, par exemple, le rapport de l'Europe et de la Méditerranée en termes de création artistique, d'échanges culturels, de formation, de circulation des (jeunes) artistes et des productions ? L'opéra, riche de sa longue tradition européenne, ne gardera du sens que s'il s'ouvre à d'autres cultures. Un opéra européen recroquevillé sur son passé perdrait très vite son impact. Mais les apports de grands artistes venant d'autres horizons, les métissages et les circulations le rendront d'autant plus créatif et pertinent au XXIe siècle (…) La confrontation à ces nouvelles formes de création peut changer notre rapport au monde». Bernard Foccroule rappelle le travail en ce sens effectué par le festival d'Aix, une des raisons qui nous avait poussés nous-mêmes à en rendre compte : «Depuis des années, je suis avec attention le travail d'artistes qui recomposent des liens avec des enfants, des adolescents, des personnes âgées, des autistes, des prisonniers, des femmes et des enfants de communautés issues de l'immigration… Ce qui ressort de ces projets, ce ne sont pas seulement des créations artistiques exemplaires, c'est un sentiment de dignité retrouvée. L'opéra et la pratique artistique ont clairement un rôle à jouer dans le domaine de la citoyenneté et de la lutte contre l'exclusion.» Ainsi, dans sa présentation de l'édition 2013 du festival, son directeur écrit : «Le Festival d'Aix s'attache depuis des années à favoriser la rencontre des cultures traditionnelles et récentes, populaires et savantes, d'Europe méridionale, d'Afrique du Nord et du Proche-Orient. Cette année, Jasser Haj Youssef rassemblera des jeunes autour de son quatuor, et Fabrizio Cassol invitera des musiciens de différentes origines à se retrouver sur une création originale, d'où nous parviendront les échos et frémissements de la place Tahrir…» Bien sûr, nous en reparlerons ! A Aix-en-Provence, pendant tout le mois de juillet. Plus d'infos sur http : //www.festival-aix.com/fr/node/13.