Le conflit syrien risque à tout moment de déborder. Pour éviter d'en subir davantage les frais, l'armée libanaise a lancé hier une rare mise en garde envers Damas en menaçant de riposter après un raid syrien sur une localité libanaise. Un hélicoptère syrien a lancé deux bombes sur le centre d'Aarsal, une localité libanaise partisane de la rébellion combattant le régime de Bachar Al Assad, faisant un blessé. L'armée libanaise a pris «les mesures défensives nécessaires pour riposter immédiatement à toute violation similaire», selon un communiqué, un avertissement très rare dans l'histoire récente du Liban et de la Syrie, ancienne puissance de tutelle politico-militaire de son petit voisin. Sur le terrain, la situation évolue nettement en faveur de l'armée syrienne qui a réussi ces derniers jours à reprendre plusieurs localités stratégiques tombées depuis de longs mois aux mains de la rébellion. Forte de ces succès, ses troupes ont d'ailleurs beaucoup avancé dans la ville voisine de Homs avec l'objectif de la reprendre entièrement. Eu égard au changement progressif du rapport de force sur le terrain, Paris et Washington ont décidé de réfléchir aux moyens de renforcer les insurgés. Le chef de la diplomatie, Laurent Fabius, a ainsi déploré le fait que «les troupes de Bachar Al Assad et surtout le Hezbollah et les Iraniens, avec les armes russes, ont repris un terrain considérable». «S'il n'y a pas de rééquilibrage sur le terrain, il n'y aura pas de conférence de paix à Genève car l'opposition n'acceptera pas d'y venir», a-t-il ajouté. A Washington, le secrétaire d'Etat John Kerry devait rencontrer son homologue britannique William Hague après que les Etats-Unis ont affirmé examiner «toutes les options» pour aider l'opposition. Des observateurs n'écartent ainsi pas l'éventualité de voir se reproduire en Syrie le scénario libyen. Le Premier ministre britannique David Cameron a annoncé de son côté qu'il s'entretiendrait avec le président russe Vladimir Poutine au sujet de la Syrie et de Genève 2, dimanche à Londres. M. Poutine a, de son côté, regretté que M. Al Assad n'ait pas engagé de réformes comme réclamé par le mouvement de contestation populaire lancé en mars 2011. Le pouvoir a, au contraire, réprimé ce mouvement qui s'est ensuite militarisé, plongeant le pays dans la guerre civile. «S'il avait agi différemment, tout cela ne serait pas arrivé», a fait remarquer le président russe. Justement, dans un nouvel épisode macabre du conflit, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a diffusé des vidéos montrant des hommes armés, des islamistes essentiellement, désignant des cadavres et des maisons en feu, au lendemain de la mort d'une soixantaine de chiites, tués par des rebelles sunnites dans un village de la province de Deir Ezzor (est). L'assaut du village avait été donné en représailles à une attaque menée par des habitants contre un poste de la rébellion dans laquelle deux insurgés ont péri, selon l'OSDH. Ces développements sinistres font craindre une nouvelle fois une «confessionnalisation» du conflit qui a déjà fait plus de 94 000 morts depuis mars 2011.