Ce premier jet d'informations peut ouvrir la voie à d'autres révélations, d'autant qu'il est aujourd'hui ardu d'isoler des patronymes parmi la centaine de milliers de noms et d'adresses publiés à ce jour par l'ICIJ. P aradis fiscaux, banques, cabinets spécialisés en conseil fiscal et réseaux d'affaires en tous genres ont fini par tisser, au fil des ans, une toile d'araignée aux ramifications improbables permettant aux détenteurs de patrimoines, aux hommes d'affaires tout comme aux hauts fonctionnaires d'effectuer des transactions financières et de blanchir leur argent en échappant à la vigilance du fisc. Les Algériens sont loin de rester en marge de l'évolution de ces réseaux. Le Consortium international des journalistes d'investigations (ICIJ), qui a ouvert vendredi soir l'accès à ses OffshoreLeaks (base de données concernant les paradis fiscaux, les réseaux de fraude fiscale et de blanchiment d'argent à travers le monde issus d'une fuite à Singapour), vient d'en donner la preuve. Dans ce labyrinthe de données, d'adresses et de noms à consonance majoritairement asiatique, on constate, en suivant le fil d'Ariane, qu'il y a au moins une société écran dirigée par des Algériens, lesquels se sont constitués un véritable canevas d'intermédiaires et de sociétés-écrans qu'il serait difficile d'identifier et de suivre. Bien qu'insuffisante pour satisfaire la curiosité de nombreux Algériens qui se demandaient jusque-là si de hauts responsables algériens seraient cités par les OffshoreLeaks, la base de données de l'ICIJ permet néanmoins de dresser un schéma des différentes connexions reliant, comme chacun d'entre nous s'en doutait déjà, l'Algérie à la Chine en passant par Dubaï. En entrant ainsi «Algeria» comme mot-clé sur le moteur de recherche de l'ICIJ, on aboutit à trois adresses : l'une à Alger, deux autres dans la wilaya d'El Oued. Des adresses liant des hommes d'affaires algériens à une seule et même compagnie, la Alpha-Bright Entreprise Limited. Entreprise détenue et dirigée par des hommes issus de deux familles originaires d'El Oued et vivant à Dubaï. Une petite recherche sur le web permet d'établir que l'entreprise en question est fournisseur d'équipements médicaux, de machines d'impression et matériaux de moulage «destinés au marché africain». Celle-ci dispose d'une adresse en Chine. Plus exactement à Shenzhen dans la localité de Guangdong, devenue la Mecque des importateurs algériens rompus aux foires biannuelles de Canton. La Alpha-Bright Entreprise Limited a ainsi bénéficié des services d'un intermédiaire basé dans un paradis fiscal chinois, Hong Kong, pour mettre en place sa société-écran. Le capital de la Alpha est, lui, détenu en partie par une société-écran basée dans les Samoa, autre paradis fiscal situé en Polynésie, dans l'océan Indien. Il s'agit de Portcullis TrustNet Limited. Aussi bien l'adresse que les structures de cette dernière entreprise renvoient systématiquement à une simple boîte postale dans les Samoa. En suivant la piste encore plus loin, on constate que Portcullis TrustNet Limited bénéficie de représentations à Taiwan, Taipei, Singapour, Pékin, Nairobi et Londres. La propriété du capital de celle-ci est masquée par une autre société-écran, elle-même masquée par une société-écran. Bref, il est difficile de démêler les fils de la toile. Un premier jet d'informations qui peut ouvrir la voie à d'autres révélations, d'autant qu'il est aujourd'hui ardu d'isoler des patronymes parmi la centaine de milliers de noms et d'adresses publiés à ce jour par l'ICIJ. Celui-ci promet aussi d'autres révélations. Le consortium de journalistes précise d'ailleurs que ce qui a été publié ne constitue qu'une petite partie d'un cache comportant 2,5 millions de fichiers offshore. Il met ainsi en évidence les liens entre compagnies offshore et certaines personnes dans 10 juridictions offshore, y compris les Îles vierges britanniques, les îles Cook et Singapour, sur une trentaine d'années jusqu'en 2010.