Il y a eu le Wikileaks, désormais place à l'Offshore Leaks. Cette gigantesque affaire révélée le 4 avril par 36 médias du monde entier met au jour une liste de personnalités qui auraient placé de l'argent dans des paradis fiscaux. On a baptisé Offshore Leaks la révélation par des médias du monde entier le 4 avril d'une liste de personnalités et d'entreprises qui auraient placé de l'argent dans des paradis fiscaux via des comptes et des sociétés offshore. Cela concernerait près de 130 000 personnes dans 140 pays, affirment ces quotidiens. Et plus de 12 000 intermédiaires auraient aidé à créer ces entités offshore. Cette opération est destinée à fournir un maximum de transparence financière au moment où les peuples payent les ardoises laissées par les banques et les bourses lors des crises financières. Tout a commencé il y a plus d'un an en Australie. Un paquet aurait été envoyé anonymement par la poste au journaliste Gerard Ryle avec à l'intérieur, un disque dur qui contenait 2,5 millions de documents ! L'équivalent de 260 gigabytes de données, soit 162 fois plus que les données récoltées via le Wikileaks. Dans ces données, on retrouve pêle-mêle, des contrats et des fax numérisés, des copies de passeports, des e-mails, de la correspondance bancaire et de nombreux autres documents issus de deux sociétés spécialisées dans les domiciliations offshore : la Commonwealth Trust Limited, à Tortola, dans les Iles Vierges britanniques et Portcullis Trustnet basée à Singapour. Celles-ci auraient été transmises par des anciens salariés et concerneraient 122 000 sociétés offshore. L'ensemble de ces données sont transmises à l'ICIJ (l'International Consortium of Investigative Journalist), puisque Gérard Gyle en prend la tête à l'automne 2011. L'ICIJ est un consortium international de journalistes d'investigation fondé en 1997 à l'initiative du Center for public integrity basé à Washington. Pendant quinze mois, l'ICIJ mène des investigations avant d'y associer 36 médias de toute la planète. Le Monde en France, mais aussi le Washington Post (Etats-Unis), la BBC et le Guardian (Royaume-Uni) ou encore Matin Dimanche (Suisse). 80 journalistes s'emploient à exploiter cette masse de données pour en extraire la substantifique moelle. Ils se baptisent «l'ICIJ Offshore Project». Le Monde affirme détenir la liste de 130 personnalités concernées par ces révélations. Jeudi, on apprenait que le trésorier de la campagne de François Hollande, Jean-Jacques Augier avait investi dans deux sociétés basées dans les îles Caïmans. D'autres noms sont cités comme celui de la famille Grossman, propriétaire de Célio et ceux de deux banques françaises, la BNP Paribas et le Crédit Agricole, qui auraient aidé leurs clients à créer des sociétés offshore. Après un travail de fourmi réalisé par les enquêteurs de quelques journaux dont ceux du Premium Times au Nigeria, les noms de personnalités, d'hommes d'affaires, de trafiquants d'armes ou parfois même d'agriculteurs (Grèce) ou de hackers (Italie), sont révélés depuis jeudi 4 avril. Dans cette galerie de portraits éclectiques, quelques noms africains ressortent déjà. C'est le cas au Nigeria, où le Premium Times prévient : «Le conseiller politique spécial du président Goodluck Jonathan, Ahmed Gulak, est en haut d'une liste qui ne cesse de grossir, de personnalités politiques et du monde des affaires qui ont détenus ou détiennent encore des compagnies secrètes et des comptes en banque offshore où ils cachent leur fortune pour échapper à l'impôt, blanchir de l'argent ou commettre des fraudes.»De l'autre côté du continent, à Djibouti, l'homme d'affaire et opposant malheureux à l'élection présidentielle de 2011, Abdourahman «Charles» Boreh, actuellement exilé à Dubaï, possède lui deux sociétés dissimulées : Net Support Holdings Ltd aux Iles Vierges Britanniques et Value Additions Ltd aux Iles Samoa. En Tanzanie, Mehbub Yusufali Manji, issu d'une des familles les plus riches du pays à la tête d'un conglomérat (Quality Group Limited) diversifié dans l'automobile ou l'agroalimentaire, était, de 2007 à 2009, directeur et actionnaire d'Interstrade Commercial Services Limited basé aux Iles Vierges. Toujours dans le même paradis fiscal, l'ICIJ a remonté la piste d'Artemis Group, qui appartient en réalité au Zimbabwéen Conrad Billy Rautenbach, un proche du président Mugabe. Ces révélations, même s'il ne s'agit pas de fraudes, démontrent que les différends accords internationaux n'empêchent pas celui qui veut frauder le fisc ou blanchir son argent de le faire. Les pays offrant ce genre d'abri à de l'argent mal acquis ne manquent pas. La Tribune s'engage à publier l'ensemble des noms et des personnes de nationalité algérienne dès qu'elle en aura pris connaissance.
K. B. /Agences
Qu'est-ce qu'un compte offshore ? Un compte offshore, c'est un compte ouvert à l'étranger par une personne qui vit et paye ses impôts dans un autre pays. A priori, cette activité n'est pas illégale d'emblée puisque depuis 1990, tout citoyen peut ouvrir un compte courant dans un autre pays que le sien. Là où ça se complique, c'est quand ces comptes sont ouverts dans des paradis fiscaux tels que les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, Samoa ou encore Singapour. Ils servent alors souvent à échapper aux impôts.