La dérégulation chronique du marché et la spéculation sur les prix persisteront pour plusieurs raisons. Et pour longtemps. D'abord, la dépendance alimentaire de l'Algérie. «Nous dépendons des prix à l'importation. Sur 53 positions tarifaires, 34 produits ont augmenté de 80% pour certains. Nous avons constaté déjà une augmentation des prix sur le marché», a avoué hier Abdelhamid Boukahnoune, directeur général du contrôle économique et de la répression des fraudes auprès du ministère du Commerce. Celui-ci intervenait lors d'une conférence-débat organisée à Alger, au centre des études internationales du quotidien El Khabar, sur le thème «Quelle stratégie pour stabiliser les prix et la qualité à la veille du Ramadhan ?» A l'origine de la hausse des prix, le porte-parole de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), Hadj Tahar Boulenouar, pointe du doigt le manque criant de surfaces de commercialisation, notamment les marché de détail et de proximité. «L'approvisionnement des marchés de détail se fait au compte-gouttes. La hausse des prix peut atteindre jusqu'à 150% entre le marché de gros et celui de détail», a-t-il indiqué. Ce n'est pas tout ! Le retard dans le déchargement au niveau des ports impacte aussi les prix des produits importés, a-t-il estimé. D'après lui, c'est l'indisponibilité des produits alimentaires qui profite aux spéculateurs. D'ailleurs, seule une abondance de ces produits serait à même de garantir des prix accessibles aux ménages. «La hausse des prix n'est pas synonyme de spéculation. La loi ne fixe pas les marges bénéficiaires. Il existe une forte demande que le marché ne peut pas satisfaire», a observé, de son côté, le représentant du ministère du Commerce, pour qui le manque d'infrastructures constitue une aubaine particulière pour le marché parallèle. Une zone de non-droit toléré et qui échappe totalement au contrôle de l'Etat. Evoquant la politique de soutien aux prix, M. Boulenouar a estimé que l'Algérie finance davantage la production étrangère. D'après lui, 30% des produits alimentaires subventionnés sont détournés de leur objectif initial au moment où la contrebande de ces produits s'organise aux frontières. Mustapha Zebdi, président de l'Association des consommateurs algériens, est, quant à lui, catégorique : «Il n'y aura pas de stabilité des prix !» Il déplore «un décalage» entre le discours officiel rassurant et la réalité du terrain. La dérégulation du marché, note le président de la Confédération algérienne du patronat, Boualem M'Rakech, est liée à l'absence de vision stratégique. «Les fondements de notre économie sont biaisés. Le dispositif légal n'est pas en adéquation pour régler une situation qui dure depuis des décennies», a-t-il noté, précisant que l'Etat devrait créer les conditions nécessaires pour relancer l'outil de production. Pour Amara Zitouni, président du Conseil de la concurrence, organisme public non encore opérationnel, l'Algérie ne dispose pas encore de mécanismes de régulation du marché. Comme M. Boulenouar, le président de l'Association des consommateurs à appelé à l'éradication du marché parallèle et l'affichage des prix. Se voulant rassurant, le représentant du ministère du Commerce a souligné que les produits alimentaires (fruits et légumes) sont disponibles et les prix pourraient enregistrer «une légère» baisse durant la première semaine. Environ 6000 agents de contrôle sont mobilisés, a-t-il rappelé, pour lutter contre toutes formes de fraude.