Vers le renforcement du rôle du RCREEE dans la politique énergétique arabe    Judo / Open Africain d'Alger : la sélection algérienne termine en beauté    Djanet: exécution d'une manœuvre de sauvetage et de secours en zones sahariennes difficiles    Création de l'UGTA: un succès dans la mobilisation des travailleurs pour soutenir la Révolution et contrer les plans du colonialisme    Rentrée de la formation professionnelle: nouvelles spécialités et signature de conventions dans le Sud du pays    Le président de la République préside une réunion du Conseil des ministres    Projet de loi sur les mines: un levier pour dynamiser le secteur et attirer les investissements    7e Conférence du PA et des présidents des Assemblées et Parlements arabes: refus total de toute forme de déplacement du peuple palestinien    ETUSA: ouverture d'une nouvelle ligne Meftah-Tafourah    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 48.339 martyrs et 111.753 blessés    Publication au JO du décret exécutif portant revalorisation du montant des pensions des moudjahidines et ayants droit    Behdja Lammali prend part en Afrique du sud à la réunion conjointe du bureau du PAP    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie en République de Corée    La Cnep-Banque lance un plan d'épargne "PRO-INVEST" pour accompagner les professionnels    Cisjordanie occupée: l'agression sioniste contre la ville de Jénine et son camp se poursuit pour le 34e jour consécutif    Sous-traitance, pièce de rechange & ateliers de proximité    Le ministre de l'Intérieur installe Kamel Berkane en tant que nouveau wali    Loin de ses potentialités, l'Afrique doit améliorer sa gouvernance    Le Pnud appelle à des investissements à long terme    «Solidarité Ramadhan 2025» Oum El-Bouaghi Plus de 53 milliards de centimes pour les nécessiteux    Centres de formation au profit des citoyens concernés    Arrestation d'un individu diffusant des rumeurs appelant au boycott des dattes algériennes    La CIJ permet à l'UA de prendre part à une procédure consultative concernant les obligations de l'entité sioniste    Soudan : Situation catastrophique dans le Darfour du Nord    Sioniste et terroriste de l'OAS n'a pas sa place en Algérie !    Championnat national hivernal d'athlétisme : Nouveau record pour Bendjemaâ    La nouvelle FAF veut du nouveau dans le huis clos    Eliminatoires CAN féminine 2026 : Entraînement tactique pour les Vertes    Présentation d'un florilège de nouvelles publications    Activités artistiques et expositions en février à Alger    Réception de la majorité des projets «fin 2025 et en 2026»    Judo / Open Africain d'Alger : large domination des judokas algériens    Foot/ Ligue 1 Mobilis (17e J) PAC-MCA : le "Doyen" pour creuser l'écart en tête    Bataille de Foughala à Batna: le jour où la bravoure des moudjahidine a brisé le siège de l'armée française    Un Bastion de l'Élite    Les candidats appelés à respecter l'éthique des pratiques politiques        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



61 ans après les massacres du 8 mai 1945
Sétif, l'histoire à témoin
Publié dans El Watan le 08 - 05 - 2006

Le 8 mai 1945 est un jour de liesse en France. On fête la victoire alliée sur le nazisme. A Sétif, la marche pacifique tourne au drame, à l'effusion de sang. Soixante et un ans après, le cauchemar du mardi noir est toujours vivace dans les mémoires des survivants qui ne veulent ni oublier ni pardonner, d'autant qu'ils n'ont pas fait le deuil de cet abominable crime, jamais commis par une autre puissance coloniale,... en « temps de paix ».
Pour que vive la mémoire, les survivants de Bouandas, Aïn El Kebira, Aïn Roua (villes situées à quelques encablures de Sétif) et d'autres contrées qui ont payé le prix fort, loin des feux de la rampe, estiment que le passé ne doit pas être occulté mais transcendé. Avant de revenir sur ces massacres, nos interlocuteurs contestent les chiffres officiels. Le bilan dépasse les 7500 morts avancés par les proches du général Duval. Les estimations (15 000 morts) du général Tubert ayant chapeauté une commission d'enquête sont aussi décriées. Pour ne pas pousser les investigations devant incriminer l'administration coloniale, la mission de Tubert est vite suspendue. « Afin de brouiller les pistes et d'éviter le banc des accusés, la France n'a pas jugé utile d'inscrire sur l'état civil toutes les victimes, notamment les milliers de citoyens tués et enterrés la nuit dans des fosses communes », souligne Abdelhamid Selakdji de la Fondation du 8 Mai 1945 (section de Sétif) qui lutte contre l'oubli et l'impunité. Pour étayer ses propos, notre interlocuteur nous renvoie vers la note adressée par Roger Esplaas au général Tubert : « L'armée a complètement rasé un douar à Sétif, on m'a confirmé le caractère impitoyable de la répression qui a été exercée sur la région. On m'a cité les chiffres de 20 000 musulmans qui auraient été massacrés. La région nord de Sétif n'est plus qu'un vaste cimetière. » En plus d'intenses bombardements de l'aviation, du pilonnage de l'artillerie, des vols et viols commis par les légionnaires, l'armée, aidée par les policiers, les gendarmes et les miliciens, procéda à des arrestations massives de 5000 à 10 000 personnes, parmi lesquelles plusieurs dirigeants du Parti du peuple algérien (PPA) qui s'illustreront lors de la guerre de Libération nationale. Pis encore, pour venger un garde forestier tué, des gens ont été brûlés vifs et plus de vingt maisons d'un village situé non loin de Sétif furent incendiées. Le colonisateur qui s'est livré à Sétif à l'un des pires excès de l'occupation coloniale n'a, selon des rescapés, épargné ni femmes enceintes éventées ni bébés ballottés puis jetés par ces tortionnaires de légionnaires qui se sont « illustrés » durant des mois par une répression et une sauvagerie sans précédent. Les blindés et les canons furent utilisés, l'aviation pilonna la zone. Le Dugay Drouin, navire basé dans le port de Béjaïa bombarda la côte. A Aïn El Kebira, l'information se rapportant aux atrocités commises le matin à Sétif a été annoncée par un certain Diaffat (Ladouani).
Les carnages hantent toujours les esprits
La population du village (1424 musulmans) et qui ne savait quoi faire a été surprise par l'attitude de certains colons, qui avaient, sur ordre de Fabrer (un fermier) de retour de Sétif, commencé les hostilités. Les compagnons du fermier n'ont, d'après les derniers rescapés de la tuerie, rien trouvé de mieux que d'achever à bout portant une innocente dame, Mme Ayachi Khatir. En apprenant les tristes nouvelles, plus de 1000 villageois, venus de nombreux douars, prirent d'assaut l'ex-Perigotville et s'emparèrent des fusils. Les affrontements se sont achevés dans un bain de sang. Si du côté français on a pu dénombrer 18 victimes dont Fabrer (tué dans un accrochage), nul n'est en mesure d'avancer avec exactitude un chiffre concernant les victimes algériennes, d'autant que les exécutions sommaires des autochtones se sont poursuivies durant des mois. Smara Lyamina (70 ans), la fille de Smara Lamri, tué par la veuve Fabrer, raconte : « Pour que Mme Fabrer puisse faire son deuil, l'armée française, qui avait arrêté puis torturé notre père, l'offre en pâture à la veuve Fabrer qui découpe en morceaux son corps, puis le sert comme repas à ses chiens. » Cet abominable crime n'est pas un acte isolé. Le vieille dame qui a en outre perdu dans ces massacres ses oncles paternels Ahmed, Saïd et Bouzid ainsi que ses cousins Messaoud et Tahar Smara, ne peut pas oublier l'autre crime commis à Bouhani (Aïn El Kebira), où 16 citoyens furent sommairement exécutés. On ne peut prendre congé de Aïn El Kebira sans dire un mot de la bouleversante histoire de Belmihoub Haouès qui a vécu durant 17 ans sous un faux nom, Guechat Mohamed, pour échapper à la condamnation à mort prononcée par le tribunal militaire de Constantine, présidé le samedi 8 décembre 1945 par le colonel Lebrot. Belmihoub alias Guechat a dû galérer des mois et des mois pour mettre le cap sur l'Allemagne via Tunis puis Bruxelles. Rencontré par hasard, Lebsir Kouadir (80 ans), un des derniers survivants des massacres, brise un tabou. « L'Etat qui n'a à aucun moment considéré les faiseurs du 8 Mai comme d'anciens moudjahidine doit revoir sa copie. Il doit aussi rendre justice aux victimes de ces massacres, n'étant autres que des martyrs qui se sont, à l'instar des chouahada de la glorieuse révolution de Novembre, sacrifiés pour que vive l'Algérie libre et indépendante. Les victimes du 8 Mai méritent le statut de martyr », précise cet octogénaire ayant passé plus d'une année dans la prison de Aïn El Kebira. Les carnages perpétrés à Aïn Roua et Bouandas, le plus souvent en cachette, hantent encore les esprits des survivants. En relatant l'expédition punitive de Bouandas (chef-lieu de daïra situé à 70 km de Sétif), on doit savoir que l'oued Aftis et les grottes de la région ont emporté à jamais plus de mille corps des meilleurs enfants de ce généreux peuple. Le bal de la tuerie a duré des mois. Les vampires qui ont, un jour, massacré plus de 41 citoyens dont une femme n'ont rien trouvé de mieux pour exprimer leur haine que d'enterrer avec leurs victimes un renard. Ces martyrs, assimilés par la France des « droits de l'homme » à des animaux, reposent à huit mètres de profondeur, dans la fosse commune de Douar Lahmar, situé à l'entrée est de Aïn Roua, distante de 25 km au nord-ouest de Sétif. Les citoyens remettent sur le tapis, soixante et un ans, après, les conditions dans lesquelles quatre des leurs ont été exécutés en cours de route. Leurs bourreaux, qui les conduisaient pour un jugement à Sétif, les ont exécutés à Takouka, en contrebas des monts Megrès. Les quatre « fusillés » reposent dans une autre fosse commune, jouxtant la mosquée du lieu précité. Avant de boucler ce sommaire tour d'horizon sur les innombrables exactions commises par la France coloniale, il est important d'indiquer que suite à ces événements 166 condamnations à mort (157 à Constantine, 3 à Alger et 6 à Oran) ont été prononcées. Sur les 157 du Constantinois, 33 ont été exécutées au Polygone de Constantine. Des milliers d'autres « indigènes » ont été condamnés aux travaux forcés, à l'interdiction de séjour et à la déportation : « Le colonialisme, qui a confisqué plus 500 000 ha des meilleures terres pour les attribuer aux paumés de Maltais, Corses, Espagnols et autres Italiens qui se sont, au fil du temps, embourgeoisés sur le dos des indigènes, en quoi a-t-il été bénéfique pour les malheureux Algériens qui ont souffert de tant de brimades ? Les écoles, les routes, les hôpitaux militaires et les immeubles ont été réalisés pour sédentariser les colons. La France, qui a durant les 132 ans d'occupation excellé dans la politique de la terre brûlée, le déracinement et la déculturation, n'a rien fait de bon pour le peuple algérien. Avant de tourner la page, la France officielle doit dire et reconnaître la vérité sur ses crimes », souligne Abdelhamid Selakdji, de la Fondation du 8 Mai 1945, qui est en droit, dit-il, d'exiger, en sus de la repentance, des dédommagements.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.