Comme chaque année, à pareille période de Ramadhan, on promet pendant les trente jours de jeûne au téléspectateur algérien un programme de qualité qui sera forcément mieux attractif et mieux intéressant que le précédent. On lui présentera une grille variée dans laquelle on fera ressortir ( c'est l'argument massue) le gros pourcentage de la production nationale pour souligner les efforts considérables qui ont été consentis dans le seul but de satisfaire les goûts et les exigences d'un large public qui demande toujours plus de perfection. A la veille de ce Ramadhan 2013, on a donc sorti les mêmes arguments pour présenter les différents produits télévisuels qui vont meubler nos soirées, oubliant qu'entre la phase promotionnelle et celle qui met le téléspectateur devant la réalité du contenu du spectacle qui lui est offert, il y a toujours un décalage qui ressemble à une tromperie sur la marchandise sur laquelle les responsables de la programmation ne se prononcent jamais. Le programme de l'année dernière par exemple, à l'actif de la télévision étatique de loin la plus suivie par tradition, a été dans une large mesure considéré comme un énorme ratage qui n'a pas laissé les téléspectateurs insensibles. Ni les feuilletons à l'eau de rose dont raffolent les familles algériennes, ni les sitcoms, ni les émissions de divertissement encore moins les séries de fiction ou historiques n'ont de l'avis général été à la hauteur des attentes. En somme, la qualité qui avait été vantée pour mettre le public en condition n'a pas été au rendez-vous. On avait expliqué cela par le fait que le temps avait terriblement manqué pour peaufiner le programme qui avait donc été livré dans la précipitation. Allons-nous assister à un scénario identique cette année qui nous fera croire à un spectacle assez exceptionnel alors que derrière la vitrine, les surprises risquent d'être plutôt amères ? A en croire le directeur général de la télévision publique qui a tenu personnellement à présenter le programme national des cinq chaînes qui dépendent de son entreprise, tout baigne dans l'huile. Et pour nous rassurer, il a trouvé la formule idoine pour dire ni plus ni moins de ce qu'il est convenu d'espérer de cette grille qui «s'est concentrée sur les attentes de tous les spectateurs» : diversité, authenticité et convivialité, on ne pouvait pas trouver meilleur artifice de communication pour laisser chacun de nous deviner de quoi sa soirée sera faite. Et bien sûr, comme d'habitude, il faut se garder de vouloir faire dans la démesure quand on vous annonce que la production nationale sera de l'ordre de 85% environ, soit une performance quantitative face à laquelle il faut s'incliner alors qu'elle a tendance à vouloir effacer tout esprit critique sur le niveau réel des réalisations. C'est comme si donc on nous invitait à consommer pendant ce mois de Ramadhan sans modération et surtout sans trop se poser de questions sur la qualité du produit algérien, alors que tout le monde sait que, de toute façon, celui-ci arrive rarement à atteindre les sommets. La raison, il faut la chercher dans les moyens mis en œuvre et la compétence des intervenants. En effet, aussi bien le cinéma que la Télévision algérienne ne sont toujours pas en mesure de pallier les gros déficits en matière de comédiens , de scénaristes, de réalisateurs, de metteurs en scène, de producteurs, enfin de tous les composants en amont et en aval du secteur audiovisuel qui sont capables de fournir un vrai travail de professionnel. Depuis des années, le circuit télévisuel tourne avec les mêmes «têtes» qui n'arrivent pas à donner plus que ce qu'elles ont montré jusque-là. Les talents découverts au gré des circonstances se raréfient et l'appel aux acteurs de fortune pour combler les vides n'est sûrement pas recommandé pour relever le niveau des productions. Parler ainsi de qualité quand on n'a pas les moyens d'intervention dans les différents domaines de la réalisation d'une œuvre culturelle devient chimérique et même démagogique. Le directeur général de l'ENTV, au demeurant, s'est montré conscient que l'audiovisuel a plus que jamais besoin de professionnalisme et que, selon lui, c'est dans cette optique qu'une réflexion a été engagée pour pallier au plus pressé. D'autant qu'avec l'émergence des chaînes privées , la concurrence pour le nivellement des valeurs vers le haut s'installe progressivement bien que les télévisions indépendantes qui ambitionnent de plus en plus de conquérir les espaces laissés par la télé publique ne montrent pas elles aussi des signes rassurants sur leurs convictions à faire la guerre à la médiocrité. Il y a un peu de tout dans ces télés privées qui veulent profiter, elles aussi, de la période de Ramadhan pour se faire de l'audience. Elles misent pour cela sur des programmes de divertissement qu'elles assurent en exclusivité, à l'image de Chourouk TV qui renouvelle l'expérience jugée très rentable avec Imarat Hadj Lakhdar, ou encore de la nouvelle venue dans la compétition Al Atlas qui a loué les services de l'inénarrable Abdelkader Secteur. Ces chaînes qui survivent pour la plupart sans budget publicitaire conséquent cherchent surtout à se faire une petite place au soleil face au mastodonte étatique qui fera encore le plein grâce à ses moyens qui éclipsent de loin tous ceux de ses rivaux. Alors, parler de programme de Ramadhan, c'est avoir l'impression de vivre perpétuellement à cette même période une sorte de remake, avec une configuration identique des émissions qui vont du sitcom au feuilleton, en passant par la caméra cachée, les sketches, les séries, les films, les soirées musicales, etc. Le tout est de savoir si le contenu fait tilt ou pas, tout dépend du génie de ceux qui l'ont conçu. Dans le lot, on ne manquera pas de se réjouir du retour sur nos écrans, après une longue absence, de Biyouna qui nous a tant manqué. Ça fait toujours partie de la nouveauté !