Dréjà très contestée pour sa politique d'information, l'Unique est en train de se faire, chaque jour un peu plus, hara-kiri dans le domaine où elle pouvait encore limiter les dégâts, le divertissement. Depuis quelques mois, les émissions phares qui lui donnaient un semblant de relief, comme «Saraha Saha» ou «Djazaïr Show» par exemple, ont curieusement déserté la grille pour laisser place à des rediffusions de sitcoms ou de feuilletons du Ramadhan d'il y a deux ou trois ans qui n'intéressent plus personne à force d'être surexploités. Sans parler des vieilles reliques cinématographiques puisées dans les archives et qui nous sont servies pour la énième fois complètement saturées avec des images rafistolées et un son inaudible. Notre Télévision nationale, à travers ses chaînes principales, est devenue la championne de la redif, faute d'une production régulière et suffisante pour alimenter les programmes, et en raison aussi de l'absence d'une vraie stratégie artistique et culturelle de communication qui aurait pour objectif de répondre à l'attente et aux goûts des téléspectateurs. Quand on sait que l'entreprise qui compte une pléthore de personnel qualifié ne manque ni de réalisateurs, ni de techniciens, ni de créateurs et que, de surcroît, elle ne souffre visiblement pas de problèmes financiers en mesure de constituer un frein conséquent, on ne peut que s'interroger sur la nature d'une telle stagnation, voire d'un tel recul, lorsque les télés voisines, notamment marocaines, apparaissent en pleine expansion avec des productions variées qui font le bonheur de leur public. Bien sûr que ces télés n'arrivent pas encore à atteindre le niveau et la qualité européens, mais comparées à la production de notre petit écran, elles se classent Objectivement en bien meilleure position sur le plan maghrébin.Dans cet espace, qui lui est naturel et où elle doit impérativement briller compte tenu des moyens mis à sa disposition, entres autres les subventions accordées par l'Etat et prélevées sur l'argent du contribuable, l'Unique au lieu de maintenir la distance ne fait, au contraire, que perdre du terrain au point de devenir une coquille vide dans tous les sens du terme qui ramène l'audience et l'audimat à leur degré le plus insignifiant. Pourquoi donc continuer à maintenir sous perfusion un corps sans âme et lui appliquer les mêmes recettes rétrogrades et surannées, alors que le secteur télévisuel dispose, sur la scène universelle, de mille et un procédés avant-gardistes pour pouvoir s'adapter à son temps et surtout à faire face à la concurrence qui fait rage dans cet univers particulier ? A vrai dire, en tant que télé d'Etat, contrôlée par le pouvoir politique et financée par le Trésor public, la faiblesse, pour ne pas dire la médiocrité chronique de la Télévision nationale n'a jamais constitué une réelle préoccupation intellectuelle pour les dirigeants du pays. Tant qu'elle assure à merveille le service de propagande idéologique et politique du système qu'on lui confie, elle peut se permettre tous les travers, dont celui d'ignorer superbement les exigences de la qualité et du niveau de création qui sont pourtant les éléments essentiels de la réussite. Si le rapport pouvoir-télé fonctionne au quart de tour, chaque partie, trouvant son compte dans ce jeu d'étroite collaboration entre dominant et dominé, la relation public-télé, en revanche, évolue au gré des humeurs dans une instabilité totale toujours au détriment du consommateur. Les seuls moments où le téléspectateur algérien se réconcilie avec son petit écran se rapportent au mois de Ramadhan où le besoin de la convivialité familiale s'avère malgré tout bien plus fort que l'esthétisme de la production télévisuelle. C'est donc la vision qu'a le pouvoir politique sur le rôle de la télévision qui est fondamentalement mise en cause et qu'il faut corriger pour espérer une amélioration de cette boîte à images, dont personne ne peut se passer du fait qu'elle reste dans notre pays la seule porte entrouverte sur le monde de la culture, des sciences et des distractions. Les hauts responsables prennent-ils conscience de cette réalité d'aujourd'hui qui veut qu'une télévision aveugle et sourde obtienne des résultats tout à fait contraires à ceux qu'on a programmés. Un peuple qui fuit sa télé est toujours récupéré ailleurs… Au demeurant, nombreux étaient les citoyens qui avaient cru qu'avec la venue de Bouteflika à la présidence de l'Algérie, la Télévision nationale, tout comme la société, allait connaître une authentique phase de démocratisation. Maintenue sous un rideau de fer pendant les années de plomb, la RTA, comme on l'appelait, avait grandement besoin de souffler et respirer un air de liberté qui doit se refléter sur son autonomie d'action. Mais tous ces espoirs se sont écroulés quand le premier magistrat lui-même avait fait comprendre à tout le monde qu'il n'était pas question que la télé s'affranchisse. Dépendante, elle le restera et avec elle, ce sont tous les grands projets d'ouverture sur la réalité contemporaine qui deviennent de simples chimères.