Début août 2005, l'OMS annonçait l'imminence d'une pandémie de grippe. Déjà le président de la République française prenait les devants pour contrer toute éventualité en préparant un plan d'urgence qui devait parer à « cette crise sanitaire d'une grande ampleur ». Les médias ont vite suivi et en écho aux scientifiques, ils ont rapporté chaque semaine puis chaque jour les informations recueillies sur le sujet. Peut-on réellement prévoir autant de mort ? Le risque de pandémie est-il sérieux ? Ne pousse-t-on pas un peu à l'alarmisme en comparant la grippe aviaire à la grippe espagnole ? Les médias n'en ont-ils pas fait leur chou gras ? Un fait demeure et vient quelque peu délaver les discours fantaisistes : il y a eu 161 cas de personnes touchées par le virus de la grippe aviaire et 86 d'entre elles en sont mortes. Où sont donc les milliers de personnes qui devaient succomber au H5N1 ? Potentiellement, ils existent et ceux qui l'affirment se basent sur une donnée non scientifique : il survient environ 3 à 4 pandémies par siècle. Soit une tous les 30 ans. Si l'on tient compte de la dernière grippe asiatique de Hong Kong datant de 1968-1969, nous sommes en plein dedans selon les experts. Pourtant, quelques voix s'élèvent pour affirmer que cela pourrait se produire aujourd'hui ou dans... 20 ans. C'est du moins ce qu'affirme Bernard Vallat, directeur général de l'Office international des épizooties : « Le pronostic s'appuyant sur l'observation des cycles épidémiques ne saurait suffire à constituer un argument scientifique. » Et de poursuivre par la voix du directeur général de l'institut national de veille sanitaire chargé de surveiller la survenue de cas de grippe « que le virus H5N1 se transmet très difficilement de l'animal à l'homme ». Propos soutenus et appuyés par une frange d'experts et de scientifiques qui veulent se démarquer des allégations et supputations quant à la survenue d'épidémie. Les probabilités scientifiques « Le virus peut exceptionnellement être transmis à l'homme. Il faut une proximité très importante entre l'homme et l'animal ». Alors pourquoi tant d'affolement autour de la question ? Première piste élaborée sous la plume d'un journaliste de Santé magazine et qui établit une corrélation entre emballement médiatique et conférence européenne sur la grippe en septembre dernier. Conférence sponsorisée par le laboratoire français Roche... fabricant du Tamiflu. Ce même Tamiflu qui n'empêche pas l'infection et qui ne fait que réduire l'efficacité du virus. D'ailleurs, l'antiviral fait l'objet de tant de réserve, côté efficacité, contre la grippe normale et absence d'effets indésirables que l'agence française du médicament, l'AFSSAPS le note moyennement, si moyennement que l'antiviral n'est pas remboursé par la sécurité sociale. Et de relever qu'alors que le laboratoire Roche était en perte de vitesse depuis quelques démêlés avec la justice, le laboratoire décroche depuis l'affaire de la grippe aviaire le gros lot et peut espérer aujourd'hui faire un chiffre d'affaires avoisinant le milliard, qui était de 250 millions de dollars en 2004. Même topo pour l'autre antiviral très en vogue pour lutter contre la grippe aviaire, mais moins prisé que le Tamiflu, le Relenza. Alors pourquoi autant d'empressement des autorités à se procurer ces antiviraux ? Par ailleurs, la communauté scientifique met en avant leur efficacité prophylactique, c'est-à-dire leur capacité à empêcher la transmission du virus d'une personne à une autre. En outre, « le Tamiflu semble efficace sur l'ensemble des virus grippaux ; on suppose donc qu'il le sera sur des viraux analogues », affirme Daniel Levy-Bruhl de l'institut français de veille sanitaire. Une affaire qui a fait couler beaucoup d'encre et qui continue à osciller entre pragmatisme et supputations.