22h12 sur le 64e parallèle nord au pays des ours blancs. Nassim décide de sortir encore une fois pour réfléchir à la meilleure façon de ramener sa mère de Khemis El Khechna, coincée au pays des loups à 4600 km de là. - Anoori, tu sors encore ?, lui demande Aleqa sa femme, occupée à lire un e-book sur la piraterie algéroise médiévale. - Oui, Atika, faut que je tue le temps... - Tuer ? 8°, air frais mais soleil encore chaud, il est si près de la Terre. Nassim grimpe lentement la petite côte de son quartier du bord de mer, Qaanniviit, là où rien ne va trop vite. Arrivé en haut, Nassim s'est dirigé vers la place du marché central en empruntant le grand boulevard Aqqusinersuaq, boulevard dont il a mis un an à pouvoir prononcer correctement. Nassim a d'ailleurs été étonné que le q se prononce chez les Inuits comme en arabe, qaf guttural, ou en tamazight. Sur les tables disposées au marché, du poisson, encore du poisson, vendu en l'état. Non, pas d'intoxication alimentaire possible ici en ce mois de Ramadhan sacré, le Groenland étant un gigantesque frigo naturel. Nassim déambule entre les tables de vendeurs et bien qu'il ne connaisse par Benyounès ou Sellal, se dit qu'il y a quand même une forme d'anarchie dans ces marchés informels. Nassim n'achète rien, se contentant de regarder quelques Inuits oisifs adossés au mur, des bouteilles de bière danoise à leurs pieds. On a vaguement l'impression que plus on monte au Nord, plus c'est développé. C'est faux, au Nord, à Nuuk, c'est un peu l'Afrique, avec la glace en plus et la chaleur en moins. Chômage, ennui et incohérences, à part le climat et l'éloignement, Nassim ne se sent pas dépaysé dans cet environnement qui lui rappelle El Khechna. Coup de chance, Nassim vient croiser une connaissance, cadre au gouvernement groenlandais. - Nassim le vent du Sud... - Salut Minik. Tu connais Bouteflika ? - C'est un poisson ? ...à suivre