1,5 milliard de litres de carburant sont annuellement détournés par les frontières est et ouest du pays, selon le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi. Les mesures prises pour endiguer le trafic, notamment des restrictions sur l'approvisionnement des wilayas frontalières, provoquent des tensions. Après le ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, c'était au tour, hier, du ministre de l'Energie et des Mines d'intervenir publiquement sur le trafic de carburant aux frontières. Lors de sa visite dans la wilaya d'El Oued, le ministre de l'Energie, cité par l'APS, a indiqué que la contrebande du carburant avait pris des proportions alarmantes, en précisant que plus de 1,5 milliard de litres sont détournés annuellement d'une façon illégale vers l'étranger. «La contrebande du carburant est une gangrène pour l'économie nationale. Ça suffit !», a déclaré devant des journalistes Youcef Yousfi en marge d'une visite de travail à la wilaya d'El Oued.
Nous avons 1,5 milliard de litres qui sortent du pays d'une manière illégale», a précisé le ministre, en relevant qu'avec cette quantité, 600 000 véhicules tournent au-delà des frontières du pays. Selon le ministre, le gouvernement a pris des mesures fermes en collaboration avec les autorités locales des wilayas concernées par ce fléau. «Mais il faut que tout le monde s'y mette» pour combattre ce phénomène, a-t-il ajouté. La semaine passée c'était le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales d'intervenir sur le même sujet en déclarant que 25% de la production nationale de carburant est gaspillée et exportée illégalement vers les frontières. Le gouvernement avait tenu récemment une réunion interministérielle pour examiner la pénurie de carburant dans les wilayas frontalières, selon M. Ould Kablia et lors de cette réunion, des mesures ont été arrêtées dont des sécuritaires pour contrecarrer les contrebandiers. Le ministre de l'Intérieur avait estimé que le phénomène de contrebande de carburant «est désormais un problème tant sécuritaire qu'économique». Pour donner une idée du niveau de trafic, le ministre avait indiqué que «la wilaya de Tlemcen consomme plus de carburant qu'Alger». Tlemcen étant frontalière avec le Maroc. Le chiffre donné par le ministre de l'Energie représente environ l'équivalent de dix millions de barils. Ce trafic aux frontières s'explique par la différence des prix du carburant pratiqués en Algérie et ceux pratiqués au Maroc et en Tunisie. Les trafiquants achètent du carburant en Algérie et le revendent au Maroc, parce que le prix du carburant est nettement moins cher en Algérie. A titre d'exemple, au Maroc, le prix du litre d'essence super coûte 12,24 dirhams, soit 1,104 euro alors qu'en Algérie, il coûte 23 DA, soit 0,227 euro, soit pratiquement 5 fois moins cher. Le carburant diesel ou gasoil coûtent 8,20 dirhams le litre au Maroc, soit 0,740 euro alors qu'en Algérie, il coûte 13,40 dinars, soit 0,132 euro, 6 fois moins cher environ. Depuis la fin des années 1990, les députés de l'APN se sont opposés systématiquement à des augmentations de prix du carburant diesel. Les autorités voulaient augmenter notamment d'une manière graduelle le carburant diesel pour l'aligner sur l'essence à raison d'un dinar chaque année. Apparemment, même l'actuel gouvernement ne veut pas toucher au prix du carburant, puisque le ministre du Commerce a exclu cette solution en déclarant que la suppression des subventions aux prix des carburants est politiquement difficile. Les officiels avouent ainsi que l'ampleur du phénomène atteint des proportions qui menacent même la sécurité du pays. Les mesures prises jusqu'alors, dont celles très contestés de rationner l'approvisionnement dans les stations-services, provoquent le mécontentement dans les wilayas concernées. A Tlemcen, des automobilistes ont bloqué des routes il y a quelques semaines en réaction aux restrictions d'approvisionnements imposées par un arrêté du wali. Dans la wilaya d'El Tarf (voir article de Slim Sadki), les gérants des stations-services, soumis également à des restrictions, menacent d'appeler à une grève nationale. Les pénuries de carburant sont quant à elles signalées sporadiquement, et pas seulement dans les wilayas frontalières.