Les faux procès de Mejri et Beji, «les deux athées de Mahdia», la féministe Amina et Sami Fehri, aussi rocambolesques soient-ils, sont les faits d'armes de la guerre lancée chez nos voisins par les partisans de «la nouvelle société musulmane» contre la société tunisienne. Leur dernière offensive : un salafiste à la direction de l'enseignement secondaire. Une guerre ouverte. Chez nous, feutrée mais présente. Pour exemple, la descente de la gendarmerie dans une cafétéria de Tifra (Tigzirt), les procès plus ou moins clandestins contre des non-jeûneurs, l'arrêt d'un manège ailleurs... Si l'on s'en tient aux termes choisis par les islamo-salafistes, cette «nouvelle société» dite musulmane aurait raisonnablement du mal à se définir comme telle, tant elle est en contradiction avec le Coran : «Tu ne disposes pas sur eux de coercition» (L, 45) y est-il dit. Mais alors, au nom de quoi cette inquisition d'un autre temps ? Et pourquoi ? Il y avait déjà le respect des traditions, la peur du qu'en-dira-t-on, l'immersion totale et absolue des esprits, ajouter le juge, le gendarme et le policier, n'est-ce pas une manière d'apporter main-forte à ceux qui ne se soucient pas de nos âmes, mais veulent affirmer leur pouvoir sur nos vies terrestres ? Aux prétextes fallacieux de religion, de troubles de l'ordre public (souvenez-vous de ce jeune homme arrêté chez lui en train de manger !), de transgression de la morale, que veulent-ils sinon régenter la cité. La religion en politique coupe les croyants de la révélation au profit d'une obéissance aveugle à un ordre déterminé pour les besoins propres des inquisiteurs. Ils veulent enfoncer les pays dans les ténèbres pour mieux régner. C'est contre ce projet satanique plus que contre la religion que s'élèvent des citoyens. Pas contre le jeûne, mais contre le fait d'être obligé de le faire ou de faire semblant. Depuis le début du Ramadhan gronde un mouvement contre l'absolutisme religieux et qui remporte des victoires inédites : la reculade des gendarmes à Tifra ! Les contestations sont de plus en plus affichées. C'est une rupture irréversible ; quand un poussin est sorti de sa coquille, rien ne peut le remettre. Au Maroc, en Tunisie, en Algérie… la liste serait longue. La dernière initiative et non la moindre : le 3 août, les Algériens sont invités à se rassembler au carrefour Matoub Lounès à Tizi Ouzou, et à pique-niquer. Chronique écrite dans un avion Air Algérie piloté par une femme, sur la ligne Alger/Marseille, pendant le passage des plateaux déjeuner. Au diable les idées reçues.