Mahmoud Zemmouri, le cinéaste-farceur, est de retour. Son héros à lui doit être Mario Monicelli. Comme Monicelli, le truculent Boufarikois sait faire rire. Beur Blanc Rouge, ce sont des kilomètres de gags. Un numéro satirique époustouflant. C'est un trait très algérois de se moquer de soi-même : l'autre soir à l'Algeria, la salle était secouée de rires. On s'abstiendra de dire les quelques longueurs du film, car dans l'ensemble, grâce à l'excellent travail de Youcef Tobni au montage, le film ne s'essouffle pas. Mahmoud Zemmouri, c'est Chaplin et Aristophane à la fois. D'une sinistre histoire (l'interruption scandaleuse du match amical Algérie-France), il tire une bonne comédie. Un jeune Beur, envahisseur de terrain, qui confond Socrate et Socratès, le joueur brésilien, se fait boucler, puis dès qu'il est libre sa mère décide de le rapatrier. Ce gaffeur qui a des combines - manger gratos, avoir des billets pour les matchs, entrer dans les boîtes - est en même temps un type largué, un exclu. Sa famille est aussi complètement marginalisée. Avec tous ces éléments pas très joyeux, Zemmouri a su raconter une histoire burlesque. Zemmouri, le satiriste, se moque gentiment de tout le monde, autant des émigrés comme lui que du patron de la paf à l'aéroport d'Alger (excellent numéro d'acteur de Larbi Zekkal). Le père qui gratte tout le temps dans l'espoir de gagner le gros lot est l'exemple de l'échec, comme l'épicier qui a une télé noir et blanc (alors qu'en Kabylie, ce sont 35 chaînes en couleur dans tous les foyers). La boutique de « mariage et circoncision » appartient au contraire à un type qui a partiellement réussi. Il est installé, il a un drôle de métier, mais une vie presque normale. Socialement, à un niveau au-dessus de la famille. Ce type refuse d'être « comme les Arabes de la rue ». Zemmouri pousse la parodie jusqu'au bout : l'horrible femme proposée en mariage a une dot et des troupeaux de chameaux... L'irruption soudaine et insolite de Biyouna, en mère vieux jeu, nous vaut un épisode assez bouffant. Beur Blanc Rouge tient donc la forme jusqu'au bout. Par un tour de passe-passe dont Mahmoud Zemmouri a le secret, cette farce grinçante n'aura sans doute pas coûté cher, mais elle risque de lui rapporter gros. Le sujet (match de foot, Zidane, etc.) va attirer beaucoup de monde dans les salles, en France comme en Algérie. Mais où Zemmouri a réussi, c'est qu'il traite les choses de manière différente des médias. Il ne dramatise pas. Il se montre au contraire humain avec les jeunes qui ont fait ça, même s'il les condamne. Les Chinois disent : « Quand la maladie est grave, c'est la maladie qu'il faut tuer, pas le malade. » Beur Blanc Rouge, long métrage fiction (2006). Réalisation Mahmoud Zemmouri Avec Yasmine Belmadi, Karim Belkhadra, Julien Courbey, Nozha Khuadra, Fatima Helilo, Larbi Zekkal, Saïd Hilmi, Chafia Boudraâ, Mouss... Montage Youcef Tobni Coproduction ENTV