Le cinéaste italien, Gillo Pontecorvo, qui a réalisé le grand classique La Bataille d'Alger est mort, jeudi soir, à Rome à l'âge de 86 ans, a annoncé l'agence italienne Ansa. Né le 19 novembre 1919 à Pise, en Toscane, Gillo Pontecorvo était reconnu comme un des plus grands cinéastes italiens de l'après-guerre et candidat à deux reprises à l'Oscar de Hollywood. Il a réalisé nombre de documentaires et dirigé la Mostra de Venise de 1992 à 1996. Militant communiste et créateur engagé, il aura placé sa carrière toute entière sous le signe de l'engagement. Diplômé en chimie, il se destine tout d'abord au journalisme. Mais la découverte de Paisa, film de Roberto Rossellini, pierre angulaire du néo-réalisme, bouleverse ce jeune militant communiste. Il décide alors de se consacrer au cinéma. Tout d'abord assistant-réalisateur pour Francesco Maselli et Mario Monicelli, il passe rapidement à la réalisation, faisant ses armes dans le documentaire, un genre auquel il reviendra régulièrement. En 1955, il s'essaie à la fiction avec le court métrage Giovanna, qui suit une grève dans une usine textile en Italie. Il passe au long métrage en lançant Yves Montand sur La Grande route bleue (1957), où un pêcheur est tiraillé entre sa conscience et l'obligation de nourrir sa famille. Face aux difficiles conditions de vie, il décide d'utiliser des méthodes moins conventionnelles pour assurer sa récolte. Pontecorvo confie le scénario du film à Franco Solinas, appelé à devenir un proche collaborateur du cinéaste. Deux ans plus tard, le réalisateur signe un film d'une ambition rare, Kapo, qui plonge dans le quotidien d'un camp de concentration. En 1965, La Bataille d'Alger apporte la consécration au réalisateur. Le film est à 58 % italien et à 42% algérien, via la société Casbah Films. Yacef Saâdi, qui avait été un des chefs de la résistance et ancien chef politique du FLN pour la région d'Alger, était le moteur de cette société de production. « J'ai hésité à lui confier son propre rôle, mais je l'ai pris et il n'a jamais endommagé le film. On aurait pu s'attendre à ce qu'il nous casse les pieds, car il n'y a rien de pire que de donner un rôle à quelqu'un qui l'a tenu dans la vie. Au contraire, son appui nous a permis d'éviter des erreurs. Le film est si réaliste que les Américains m'ont demandé de mettre l'avertissement comme quoi le film n'utilise aucune image d'archives, sinon les gens croiraient à des actualités », a-t-il affirmé lors d'un entretien. C'est un témoignage historique de poids. Après La Bataille d'Alger, Pontecorvo réalisa en 1971 Queimada, un nouveau regard sur le colonialisme, cette fois dans les Antilles du XIXe siècle dans lequel Marlon Brando avait le rôle principal et traitait du colonialisme britannique et portugais du XVIIIe siècle aux Antilles, et Ogro en 1979 au sujet du mouvement séparatiste basque. Cependant, aucun de ceux-ci n'égalèrent l'intensité de La Bataille d'Alger. C'est le dernier long métrage en date du metteur en scène. Le monde culturel et politique italien a rendu hommage hier au cinéaste disparu. « C'est une grande tristesse personnelle, une grande perte pour le cinéma italien », a déclaré le maire de Rome Walter Weltroni. « Dans le cinéma, on se moquait un peu de lui, parce qu'il ne se décidait jamais à faire un nouveau film (...) mais La Bataille d'Alger demeure un des meilleurs films politiques jamais réalisés », a estimé le cinéaste et l'emblème de la comédie italienne Dino Risi.