Un investissement précieux ayant requis des moyens matériels humains et financiers colossaux, c'est ce que doit comprendre la population qui a aussi le devoir d'en prendre soin par un comportement exemplaire. Enfin, le tramway à Constantine ! Déjà trois semaines depuis son inauguration officielle (le 4 juillet) par le ministre des Transports, Amar Tou, en présence des autorités locales, des PDG de l'Entreprise du métro d'Alger (EMA), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), de la Société d'exploitation des tramways (Setram), de la société Groupement Pizzaroti et de nombreux citoyens. Il est en service de 5h à 23h 30 en temps ordinaire et de 7h à 1h 30 durant le mois de Ramadhan. «C'est vrai qu'il a fière allure avec sa couleur verte et son design», entend-on de toutes parts. La foule impressionnante des usagers, d'abord un peu intimidée les premiers jours par ce nouveau et ultramoderne mode de transport, ne savait pas trop comment faire valider le ticket acheté au niveau des deux cabines installées à cet effet, et pour lequel il a été déboursé 40 DA. Mais pas de panique, plusieurs jeunes et pimpants préposés, portant badges ou gilets fluos de la Setram, sont là, avenants, souriants, et surtout merveilleusement aimables, pour vous expliquer comment introduire le ticket dans les composteurs (appareils placés un peu partout à l'intérieur des rames), en faisant surtout bien attention à ce que le côté supérieur des flèches soit placé vers le bas. Une opération un peu ardue pour les plus vieux, mais on y arrive très vite. Un jeu d'enfant, non ? Une émotion mêlée de fierté, est perceptible sur tous les visages. Les commentaires vont bon train. «Savez-vous qu'il est encore plus beau que celui d'Alger et d'Oran ?» lance un quadragénaire. «Et il a coûté plus cher», renchérit un vieil homme qui ne peut s'empêcher d'évoquer, dans la foulée, le fameux tramway électrique de Constantine des années 1950 et 1960, histoire de montrer qu'il n'est point novice en la matière. «Mais oui, se souvient-il, pour épater la galerie, nous les vieux on a tout connu avant vous». Une voix féminine, qui se veut suave, vous souhaite en boucle la bienvenue. Un coup d'œil vers la cabine de pilotage : aujourd'hui c'est une jeune femme qui est chargée de conduire sur près de 9 km tous ces passagers depuis la station de départ, Zouaghi Slimane, en marquant 10 stations intermédiaires desservant beaucoup de grands quartiers, à la station terminale Benabdelmalek Ramadane. Pas d'objection. Tout le monde est serein. De toute manière, sur les 70 conducteurs, huit sont des femmes. «Vous voyez, dit encore un vieil homme, Aïcha khir men Ayache» (adage populaire pour dire qu'une femme peut être plus habile qu'un homme). Le si agréable et particulier avertisseur sonore (ne laissant pas de rappeler celui des anciens trains des années folles) se met en route sans heurt. Une volonté ferme de réussir A son tour, la conductrice souhaite la bienvenue à bord. La rame s'ébranle doucement. La vitesse est très réduite, entre 30 et 40 km/h, pour une durée de trajet global de 20 à 30 minutes. Selon des conducteurs, la vitesse est appelée à augmenter graduellement. «Il faut encore tenir compte, nous dit le DRH à la direction de Setram, Kamel Bida, des endroits à forte concentration de population en plus d'autres petits problèmes qui seront réglés au fur et à mesure, sur terrain». Par la même occasion, notre interlocuteur insistera sur la nécessité de préserver cet acquis inestimable pour la ville. «C'est un investissement lourd qui a requis des moyens matériels humains et financiers colossaux ; c'est ce que doit comprendre la population qui a aussi le devoir d'en prendre soin par un comportement responsable», insiste-il. Tout compte fait, le tramway s'avère incontestablement précieux au vu des problèmes incommensurables de circulation et autres diktats de chauffeurs de taxi endurés pendant des années par les riverains. Certes, les populations de la périphérie nord de la ville sont lésées, et continuent quelque peu de galérer pour le transport, mais il n'empêche que c'est une grosse épine qui a été extraite du quotidien difficile des Constantinois, d'autant plus que deux extensions du tramway vers la nouvelle aérogare Mohamed Boudiaf (2,7 km), et la nouvelle ville Ali Mendjeli (plus de 10 km) sont prévues. «Le tramway m'arrange vraiment ; la crèche où je fais garder mes jumeaux est sur le tracé, et c'est mieux qu'avec la voiture, car je ne suis plus obligée de contourner presque toute la ville pour y arriver», nous confie une jeune mère, architecte de son état. De plus, c'est si commode de ne pas poireauter. Exit les interminables attentes cauchemardesques. Onze rames sur les 27 (toutes adaptées aussi aux personnes handicapées) assurent la navette à un intervalle n'excédant pas 5 minutes. Cependant, il faut avouer que beaucoup reste encore à faire en matière de sensibilisation citoyenne, notamment concernant la fameuse «Tram attitude». Nombreux sont ceux qui font montre d'une imprudence inconcevable, notamment les enfants, en traversant inopinément les rails, parfois à l'insu même des agents chargés de la signalisation. A ce propos, un premier incident a été enregistré il y a quelques jours, lorsqu'un 4x4 s'est coincé au niveau des rails, obligeant l'arrêt du tramway et l'évacuation de tous les passagers. Rappelons aussi que certains devraient tout de même penser à jeter leurs tickets consommés dans les nombreuses corbeilles placées au niveau de chaque station, au lieu de les jeter un peu partout sur le sol.