Il y a comme un consensus national pour financer une économie productive diversifiée. Le «tout infrastructures » a été une erreur monumentale et un échec flagrant. Comment peut-on choisir de financer uniquement des infrastructures alors que les ressources humaines sont sous-qualifiées, les entreprises sous-gérées, les institutions publiques sous-administrées et l'économie productive atrophiée ? En tous les cas, nous en avons payé le prix fort. Pour 500 milliards de dollars injectés, nous allons engranger 100 à 150 milliards d'infrastructures. Les restes à réaliser, les malfaçons et les pots-de-vin viendront à bout du reste. Beaucoup de nos analystes pensent que c'est un détail, qu'il faut passer à autre chose rapidement sans audit approfondi des dépenses et de leurs retombées sur l'économie nationale. Il nous faut tirer les leçons qui s'imposent de ces erreurs manifestes. Mais les nouvelles orientations des pouvoirs publics vont dans la bonne direction. On évoque le financement de l'économie productive, la diversification, le développement humain et l'amélioration managériale. On aurait dû commencer par cela. Par ailleurs, pour quelle stratégie de diversification doit-on opter ? Ceci n'implique guère qu'il y ait un seul chemin efficace que nous devrions emprunter. Il y a de nombreuses alternatives salutaires, comme plusieurs autres qui seraient moins bonnes. Mais nous n'avons pas de solution unique. Cependant, l'essentiel serait d'emprunter une voie salutaire. Parmi les opportunités de diversification, l'économie de la connaissance confère des avantages indéniables. Mais tout est question de dosage. Quel devrait être la place de l'économie de la connaissance dans le futur bouquet d'une économie nationale diversifiée ? Pour répondre à cette question, il faut d'abord apprécier le rôle et le contenu de l'économie de la connaissance. Quels apports potentiels ? Tout d'abord commençons par préciser ce dont on parle. L'économie de la connaissance comprend des pans entiers des activités d'un pays. On y inclut la formation (longue durée et recyclage), les TIC, la recherche et développement, l'innovation, la communication, les industries de l'expertise et du conseil, etc. On peut mieux cerner ses contours en s'aidant des définitions de la Banque mondiale ou de l'Union européenne. Ce sont des activités transversales qui influent sur l'ensemble des autres secteurs : agriculture, mécanique, tourisme, électronique et le reste. L'économie de la connaissance est comme le sang qui irrigue le corps humain. Elle contribue à améliorer la productivité de tous les autres secteurs. Elle constitue, de nos jours, un facteur clé de succès incontournable pour les nations qui souhaitent accéder à l'émergence puis au développement. Il faut donc investir suffisamment pour la développer en proportion du PIB et utiliser ses retombées. On peut qualifier les ressources humaines, produire des logiciels de qualité, monter des bureaux spécialisés en innovation, mais ne pas les utiliser. Leur rendement serait alors réduit. Nous avions fait une expérience intéressante dans ce domaine. Durant les années soixante-dix, nous avions formé d'excellents cadres. Mais les entreprises n'étaient pas préparées à les accueillir et utiliser leur savoir-faire. La plupart sont partis sous d'autres cieux. Ceux qui sont restés, marginalisés et démotivés, ont été notoirement sous-utilisés. Le résultat est que la productivité globale des facteurs continuait de décliner et le taux d'utilisation des capacités de stagner autour des 45 à 55%. A l'étape cruciale où nous sommes, le développement de l'économie de la connaissance constituerait le pilier essentiel de notre diversification économique. Nous allons entreprendre une nouvelle expérience en matière de développement. Des pans entiers économiques sont à la veille d'être modernisés pour en faire les fers de lance de la prochaine relance. Même le textile, industrie laminée, est concernée par ce nouvel élan. On compte un peu sur une hypothétique amélioration managériale et beaucoup sur le partenariat pour booster ces activités. Un audit managérial approfondi aurait vite conclu que les cultures internes sont si débridées que nous aurions dû, dans l'ordonnancement des restructurations, privilégier d'abord le développement puis l'utilisation de l'économie de la connaissance, avant de donner d'énormes ressources à des entreprises peu préparées à les utiliser. Les séquences des activités Il y a très peu d'analystes qui diraient que l'économie de la connaissance ne doit pas figurer dans le bouquet de la diversification économique. La majorité insiste pour que cela soit une priorité. Ceci implique que dans les séquences d'actions (phasing), on commence d'abord par sa mise en place. Les managers de projets savent l'importance du déroulement des phases et le respect des fractionnements des activités. Nous pouvons même les dérouler selon des modèles précis (PERT, par exemple). La problématique est la suivante : avons-nous bien fait de commencer à activer les plans de relance, parfois en nous appuyant sur des entreprises déstructurées, alors que l'économie de la connaissance peine à se mettre en place ? Avons-nous inversé les priorités ? On peut rétorquer que nous pouvons avancer en même temps. Difficile de créer des sociétés d'innovation, d'ingénierie managériale, etc, en même temps que l'on installe les équipements et que l'on commence à gérer d'une toute autre manière. L'Algérie est maintenant prête à mettre de grosses ressources pour développer toute une gamme d'industries qui dérivent de l'économie de la connaissance. Nous avons besoin de le faire beaucoup plus rapidement que ce qui se fait actuellement. Nous devons également synchroniser ces nouveaux investissements et leur utilisation dans les activités économiques traditionnelles. Les séquences actuelles ne semblent pas bonnes. On est en train de dire : on injecte de l'argent maintenant dans les entreprises pour moderniser leurs équipements, faire des partenariats, améliorer leur management et on fera l'économie de la connaissance plus tard. On compte sur le partenariat pour combler le déficit de savoir dans les domaines clé de l'économie de la connaissance. Il est utile de savoir que les partenariats modernes sont utiles pour acheter de la technologie et du savoir-faire sur le comment produire. Il est plus complexe d'obtenir des résultats en matière de modernisation managériale. La technologie s'achète, le management s'arrache. Pour ce faire, nous aurons besoin de nombreux outils. Précisément, ceux que nous tirerons par le développement, la diffusion et l'utilisation des composantes de l'économie de la connaissance.