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2011, une année tranquille mais pas d'amorce de développement
Abdelhak Lamiri, économiste
Publié dans Liberté le 29 - 12 - 2010

Parmi les myriades de développement, de décisions et de mutations, certaines sont plus importantes que d'autres. Mais un référentiel solide faciliterait grandement le choix de ce qui est pertinent.
Ainsi, en économie, les décisions les plus importantes sont celles qui ont un impact sur les paramètres suivants : le degré d'utilisation de la science et de la technologie, l'entrepreneurship, le management, la création et le développement des entreprises. Ces paramètres sont beaucoup plus importants que les traditionnels outils comme la croissance, le chômage, l'inflation.
On peut avoir des politiques qui, à court terme, produisent des résultats sur ces paramètres, pour que, sur le long terme, la situation se détériore. Nous allons commenter les décisions économiques qui nous semblent être les plus significatives en 2010.
Le Plan de Relance
La croissance économique et le développement d'un pays peuvent avoir comme source la consommation, l'investissement productif, l'exportation et la dépense publique. Les stratégies des pays varient en fonction de leur degré de développement et de leur situation économique. Parmi les quatre variables qui impulsent la croissance, une seule est utilisée dans notre pays.
à l'image d'un quadrupède qui n'aurait qu'un seul membre utilisable. Les pouvoirs publics ont fait le pari de continuer à injecter des ressources énormes pour continuer à fabriquer une croissance tirée uniquement par le budget de l'état. Le choix de la continuité est fait. Nous sommes fixés sur notre sort. L'état persistera à injecter des ressources tant que la rente continuera d'exister. Quelques effets salutaires à moyen terme seront visibles, mais les conséquences à long terme seront plutôt défavorables. L'année 2010 aura été l'année de la confirmation des politiques économiques initiées : relance par la dépense publique surtout par la modernisation des infrastructures, encadrement strict des IDE et essai de modernisation technique et impulsion industrielle, surtout par les entreprises publiques.
Nous savons donc, en termes de politique économique, à quoi nous en tenir. Les pouvoirs publics ont tiré une leçon de la crise mondiale, mais à leur façon. Un peu partout dans le monde, la crise des subprimes a été surtout perçue comme le résultat des défaillances de la régulation publique, et c'est dans cette direction que les économistes et les gouvernants travaillent pour rectifier les erreurs de politiques économiques passées. En Algérie, nous avons interprété la crise économique comme une défaillance du secteur privé. Il fallait donc compter surtout et avant tout sur les entreprises publiques pour réindustrialiser le pays et amorcer un début de reconquête du marché national. Mais les ressources injectées sont massives : 286 milliards de dollars. Tous les secteurs sont concernés. Cela représente plus de 33% du PIB (produit intérieur brut) annuellement. C'est un poids trop lourd pour une administration et des entreprises sous-gérées. Les pouvoirs publics ont le sentiment d'avoir tout fait pour remettre l'Algérie sur les rails. On ne peut pas mobiliser de telles ressources sans une volonté politique forte. Mais, au niveau de l'affectation de ces ressources, que de graves erreurs de politique économique sont faites !
La Réhabilitation
du Secteur Public
L'année 2010 fut un revirement drastique de la doctrine économique. Certes, le secteur privé n'a pas été publiquement sermonné. On lui a même affecté 2 milliards de dollars pour mettre à niveau plus de 20 000 entreprises. Ceci s'ajoute aux différents dispositifs qui existent déjà. Mais sans le reconnaître officiellement, on fait le pari d'un développement tiré par l'entreprise publique. Les mesures d'assainissement et de modernisation de l'outil de production sont énormes. Parallèlement à ces mesures financières, un bras de fer contre la corruption est engagé. On pense que cela va discipliner les acteurs économiques et améliorer l'efficacité économique. Mais le véritable bras de fer aurait dû être engagé contre le sous-management des entreprises et des administrations. Là, nous avons des actions timides de formation (mais pas des premiers responsables). On ne voit aucune révolution managériale en termes de choix des dirigeants, de culture d'entreprise, d'organisation, de système d'information de gestion ou autres. On continue de faire la même erreur des années soixante-dix : vouloir développer le pays avec des entreprises sous-développées. Si l'on pouvait excuser la première période par manque de managers formés et par notre ignorance des techniques managériales, nous ne pouvons comprendre cette même erreur aujourd'hui. Nous aurons les résultats de cette politique économique dans trois ou quatre ans, lorsqu'on aura des entreprises avec des équipements flambants neufs, mais sans marché. Nous avons besoin d'une centaine d'entreprises publiques dans des domaines précis, mais gérées d'une toute autre manière. Mais l'année 2010 aura eu le mérite de la clarté.
La Réhabilitation de l'Université : début de prise de conscience ?
Un évènement d'une importance considérable s'est produit en 2010. Il a été peu commenté et considéré comme marginal : l'amélioration de la situation matérielle de la matière grise qui fait fonctionner le système universitaire. Seul un système universitaire de qualité mondiale peut développer un pays. Aucun pays ne s'est développé avec un système universitaire en panne. Tous les autres secteurs dépendent de lui : formation professionnelle, éducation, industrie, agriculture, finances, etc.
Pour améliorer le secteur universitaire, nous devons travailler dans deux directions : la situation matérielle des ressources humaines et le management de nos universités. Avant la réhabilitation salariale, un professeur chercheur dans une université algérienne était rémunéré deux fois moins que son homologue mauritanien et trois à quatre fois moins que son équivalent tunisien ou marocain. Il était impossible de retenir des ressources humaines de classe mondiale dans nos universités. Un début de correction fut mis en place pour rehausser le niveau des rémunérations de nos enseignants et chercheurs universitaires.
Mais ce n'est qu'un début. Nous devons mettre beaucoup de ressources pour améliorer la qualité de la formation et de la recherche. L'aspect qualitatif est plus important que le dogme de la quantité. Nous avons besoin de moderniser le management de nos universités, d'introduire les systèmes de qualité, de gestion par objectifs et toute la panoplie d'instruments du management des universités. Il est possible de s'inspirer des pays qui ont fait beaucoup de progrès dans ce domaine, et particulièrement de la Chine dont on pense que dans les vingt prochaines années, elle disposera de 50% des meilleures universités mondiales. En l'occurrence, l'Etat a franchi une étape importante dans la bonne direction. Il lui reste à réaliser la modernisation managériale en maintenant au même niveau ses efforts en ce sens. Mais c'est déjà là un pas dans la bonne direction.
Mais il y a aussi que 2010 n'a pas été différente des autres années. La productivité stagne. Le taux de création d'entreprises s'améliore, mais reste très insuffisant. La bonne nouvelle nous provient de la recherche et développement qui peuvent dépasser les 1% du PIB les prochaines années. Un proverbe chinois disait que la prévision est difficile parce qu'elle concerne l'avenir. Mais les êtres humains n'ont d'autres choix que de parier, même si c'est complexe. En fonction des paramètres dont nous disposons, l'année 2011 pourrait présenter un certain nombre de caractéristiques. Le taux de chômage peut bien descendre au-dessous de 10%. Sans polémiquer sur la validité des données, les injections massives de ressources continueront à absorber des ressources humaines tant pour les emplois temporaires que définitifs. La fonction publique va se renforcer avec 50 000 nouveaux fonctionnaires. Les conséquences à long terme ne sont pas traitées ici. L'inflation va se situer à moins de 5%. Les augmentations de salaires sans amélioration de la productivité produiront de l'inflation, mais dans deux ou trois ans. 2013 serait donc une année inflationniste, mais 2011 serait bien plus tranquille.
Les différentes institutions internationales voient pour 2011 de bonnes perspectives pour les prix pétroliers. La rente pétrolière continuera à payer les salaires et à financer le programme de modernisation des infrastructures. Les seuls remous sociaux peuvent provenir du secteur du logement et de l'emploi des jeunes. Les politiques économiques et le mode de communication avec ces catégories ne sont pas à même de peser lourd face aux défis, malgré les injections énormes de ressources par l'Etat.
Les ressources sans management obtiennent très peu de résultats. La balance des paiements continuera à dégager des excédents. Les entreprises publiques donneront l'impression d'amorcer un nouveau départ. Les achats d'équipements, les assainissements, les crédits garantis par
l'Etat leur donneront un répit de deux ou trois ans. À leur décharge, il faut dépénaliser l'acte de gestion et leur octroyer plus d'autonomie. Mais l'organisation actuelle et les modes de pilotage externes (SGP, CPE, ministères) et de management internes sont incompatibles avec une efficacité managériale. Dans quelques années, on va se plaindre des mêmes maux et demander encore plus de ressources ; mais pas en 2011.


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