Faut-il aller plus loin ? Après avoir dépassé le cap du 60e parallèle Nord pour se retrouver sur le bord du cercle arctique, Nassim vient de dépasser les 21 heures de jeûne. Il est affalé sur sa banquette, il est 23h16 à Nuuk, autant dire que rien n'a plus beaucoup d'importance sur la banquise. Epuisé, Nassim se laisse aller à divaguer, la faim ouvrant les portes de l'esprit. Il regarde sur le mur en bois du salon une vieille peinture, propriété de Aleqa, représentant un Inuit avec son traîneau à chiens, glissant dans la nuit totale sur d'immenses étendues blanches. Nassim est-il convaincu ? Qu'ici au Groenland, à quelques brassées du Pôle Nord et de la fin du monde, de la nécessité d'appliquer des lois religieuses, si différentes d'un peuple à une autre ? Faut-il observer le jeûne ou juste le regarder ? Nassim est en proie au doute. Si en Algérie, le Tout-Puissant s'appelle Général T, dont Nassim ne sait pas grand chose à son propos sinon qu'il aurait le pouvoir de vie et de mort, ainsi que celui de créer des présidents à partir de cellulose, il ne sait plus grand chose. - Aleqa... - Oui annoriii.... - Rien omri... Une vision. Nassim regarde sa femme allongée dans la posture du phoque heureux. Mais quel est le Dieu des Inuits ? Si aujourd'hui ils sont tous chrétiens, convertis par les missionnaires norvégiens et danois au XVIIIe siècle, ils gardent quelques-uns de leurs dieux et déesses, autant d'esprits habitants pierres, animaux et humains. Mais sur cette terre lointaine, isolée et hostile, ils restent d'abord inquiets de ces forces de l'invisible réparties sur les interminables nuits de l'hiver polaire. A l'instar de son ami Nimik, celui qui l'a aidé pour inviter Bouteflika, les Inuits le disent souvent et en toute simplicité, comme pour expliquer pourquoi ils sont si facilement passés au christianisme : «Nous ne croyons pas, nous avons simplement peur.» … à suivre