De l'avis des téléspectateurs et des observateurs, les grilles proposées par les différentes chaînes de télévision publiques depuis le début du mois de Ramadhan manquent d'originalité et ne captent plus un public trop exigeant qui n'accepte pas «la triche». L'autre faille dans la programmation des chaînes de télévision algériennes est l'absence du cinéma. Les longs métrages produits par des réalisateurs algériens ne sont pas diffusés par l'ENTV et «ses dérivées». Les Algériens sont des harraga de la télévision. Ils sont devenus des champions du zapping pour fuir la médiocrité des chaînes de télévision algériennes.» C'est ainsi qu'a résumé un acteur algérien la problématique de la qualité des programmes diffusés par les différentes chaînes publiques depuis le début du mois de Ramadhan. Les grilles proposées, de l'avis des téléspectateurs et des observateurs, manquent d'originalité et ne captent plus un public trop exigeant qui n'accepte plus «la triche». En effet, les annonces «d'un riche et excellent» programme spécial Ramadhan diffusées par l'ENTV quelques jours avant le début du mois sacré se sont avérées fausses. Que des illusions ! Après une vingtaine de jours du début du jeûne, les Algériens qui suivent les programmes des chaînes algériennes restent sur leur faim. Ils ont une impression de déjà-vu : mêmes histoires, mêmes acteurs, mêmes sketchs… et des caméras cachées de très mauvais goût. Rares sont les produits de la grille de Ramadhan 2013 qui sortent du lot pour s'imposer sur le petit écran… Pourquoi une telle situation ? Les producteurs algériens sont-ils en panne d'idées et d'imagination ? Pourquoi les responsables de l'ENTV ne sont pas exigeants envers les boîtes productrices des séries et des programmes de divertissement spécial Ramadhan ? «Les responsables de la Télévision nationale ne cherchent qu'à combler un volume horaire de trente jours. C'est le même scénario depuis plusieurs années. Nous sommes déjà à la moitié du mois de Ramadhan et malheureusement, on n'a rien vu de qualité. On a eu droit à du copier-coller des programmes, dans lesquels on voit les mêmes comédiens qui participent aussi aux tournage des spots publicitaires», commente Nabil Hadji, critique du cinéma, en relevant «une mauvaise qualité des scénarios et du dialogue». «Les qualités techniques sont vraiment d'un niveau amateur», ajoute-t-il. Pour notre interlocuteur, il n'y a, visiblement, aucune volonté chez les responsables de l'«Unique» d'offrir de la qualité à ses téléspectateurs. «La télévision algérienne ne fait pas dans la promotion des programmes algériens. Pour cela, les normes sont connues ; il devrait y avoir des appels d'offres à projets et une commission de lecture composée de professionnels et qui ne soient pas des bureaucrates», explique-t-il. Ce n'est pas le cas visiblement. Le programme défini en tant que «riche» par les responsables de la chaîne nationale est finalement très limité, voire pauvre. Trois chaînes diffusent pratiquement quotidiennement une seule grille. La chaîne terrestre, A3 et Canal Algérie présentent en effet, de 19h40 à 00h, les mêmes séries, sketchs et autres divertissements. Une seule grille pour trois chaînes C'est ainsi que le téléspectateur aura droit, sur les trois chaînes, à Dar El Bahdja (la maison d'El Bahdja), Dikra wadihka (souvenirs et sourire) et Assrar el madhi (les secrets du passé). Seule la chaîne en tamazight, TV4, diffuse un programme différent. Cette dernière entame la soirée avec deux séries comiques (Khalti Mounira et Hirouche) et la termine avec deux feuilletons Ixef N'lhna et Tinifit (le tourbillon). Mais pour les quatre chaînes, il n'y a aucune innovation. Les idées de scénario développées ont été déjà consommées. Que du réchauffé ! Ce qui fait dire à Nabil Hadji que le programme de Ramadhan proposé par l'ENTV «est catastrophique». Pourquoi ? «Il y a une mafia de soi-disant producteurs qui accaparent la production des programmes à l'ENTV payés par l'argent du peuple. Ils offrent une qualité catastrophique des programmes, tant dans la catégorie dramatique que dans la catégorie comique, qui sont très sollicités par les téléspectateurs algériens durant ce mois de Ramadhan», explique-t-il. «Toufik Khelladi et Mohamed Saïd sont responsables» Selon Nabil Hadji, depuis quelques années, «des soi-disant directeurs exécutifs qui sous-traitent pour l'ENTV se sont imposés». «Ces gens, je les qualifie de mercenaires. Car leur but est de gagner beaucoup plus d'argent. Ils ne se soucient plus de la qualité des programmes à offrir au public. Ils confient la tâche des scénaristes à des gens qui ne sont pas du métier. Pareil pour la réalisation. Ils recrutent également des comédiens de seconde zone avec des salaires minables. Et le résultat ne peut être que catastrophique, comme nous le constatons», explique-t-il. Nabil Hadji s'interroge, dans ce sens, sur le rôle de la commission de lecture de l'ENTV qui donne son accord pour l'achat et la diffusion de ces programmes «bas de gamme». «Pourquoi les responsables de l'ENTV n'appliquent-ils aucune rigueur pour gérer l'argent public et contrôler le travail des producteurs plusieurs mois avant le début du Ramadhan. Il ne fallait pas attendre la dernière minute pour commander un programme. Et là, je pense que Toufik Khelladi, directeur de l'ENTV, et Mohamed Saïd, ministre de la Communication, assument une part de responsabilité dans cette situation. Ils doivent démissionner», affirme-t-il. Cet avis est partagé par Bachir Deraïs, réalisateur (lire l'interview). Pour lui, la responsabilité de cette situation incombe à tous les intervenants dans cette chaîne de production audiovisuelle. «Les responsables des chaînes de télévision sont encore à blâmer parce qu'ils ne sont pas assez exigeants avec les producteurs et qu'il ne vérifient pas les CV des gens qui se proposent pour la réalisation des programmes. Les mêmes responsables n'agissent pas aussi à temps pour commander des programmes de qualité», soutient-il. La Télévision algérienne ignore le cinéma L'autre faille dans la programmation des chaînes de télévision algériennes est l'absence du cinéma. Les longs métrages produits par des réalisateurs algériens ne sont pas diffusés par l'ENTV et «ses dérivées». «Les films réalisés par des Algériens sont diffusés par des chaînes françaises, mais pas par des chaînes nationales. Pourquoi ? Parce que le cinéma est libre et la ligne éditoriale de l'ENTV ne permet pas la diffusion des films qui cassent des tabous», déplore encore Bachir Deraïs. Les chaînes privées algériennes ne font pas mieux que l'ENTV. Leurs prestations ne révolutionnent pas la pratique audiovisuelle en Algérie. Les programmes, à quelques exceptions près, sont un mélange d'amateurisme et d'improvisation. «Les chaînes privées sont pires que l'ENTV. Elles n'ont ni directeur de production ni directeur de programmation. Leurs responsables gèrent leurs télévisions comme un marché. Ils sont en train de harceler quelques réalisateurs et quelques producteurs pour avoir quelques programmes pour le mois de Ramadhan. Cela veut dire qu'il n'y a pas la conception d'un programme bien élaboré», souligne Nabil Hadji. Il cite, dans la foulée, l'exemple d'une «chaîne d'information» qui s'est sentie dans l'obligation de proposer un programme spécial Ramadhan. «C'est une aberration ! Ces chaînes n'ont pas une vision, parce qu'elles ne disposent pas d'un personnel capable de concevoir un programme de 30 jours à offrir aux téléspectateurs algériens», persifle-t-il. En somme, l'audiovisuel algérien vient de rater, encore une fois, une occasion de récupérer un public qui a choisi d'émigrer vers des canaux étrangers…