Ibrahim Boubacar Keïta, candidat à la présidentielle malienne, a tout compte fait crié victoire trop vite. Plusieurs fois reportés, les résultats officiels du scrutin présidentiel – qui s'est tenu sous haute surveillance le 28 juillet dernier – sont enfin connus. Verdict : l'élection connaîtra finalement un second tour, aucun des 27 candidats engagés dans la course n'ayant dépassé la barre des 50% de voix. Ibrahim BoubaCar Keïta, dit «IBK», devra donc attendre encore une dizaine de jours pour sabler le champagne. Cela si toutefois les Maliens décident de lui accorder leur confiance. Car tout ne semble pas encore joué. Grand favori, l'ancien Premier ministre Ibrahim Boubacar Keïta, 68 ans, a tout de même de quoi se consoler. Il est arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle avec 39,24% des voix face à l'ex-ministre des Finances, Soumaïla Cissé, 63 ans, qui a recueilli 19,44% des suffrages. Le candidat du plus grand parti malien, l'Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma), Dramane Dembélé, a déçu par contre ; il est arrivé en troisième position avec près de 9,6%. En revanche, le quatrième, Modibo Sidibé, ancien Premier ministre comme Ibrahim Boubacar Keïta, a obtenu près de 4,9% des suffrages. Et les 23 autres candidats du premier tour se partagent les voix restantes. Sur 6 829 696 inscrits, le nombre de votants a été de 3 520 242 (dont 403 532 bulletins nuls), soit un taux de participation de 51,5%. Des observateurs ont, à ce propos, fait remarquer que ce taux est exceptionnel pour le Mali où la participation à ce type de scrutin n'avait jamais dépassé 38%.
Le poids de l'armée et du religieux Le leader du Rassemblement pour le Mali (IBK, ndlr) espérait triompher dès le premier tour. Un espoir renforcé par les déclarations bien imprudentes du ministre de l'Administration du territoire, en charge de dépouiller les voix, le colonel Moussa Sinko Coulibaly, qui avait laissé entendre mardi qu'il y avait des «écarts forts» et qu'il pourrait n'y avoir qu'un tour. Une chose est sûre, l'annonce faite par le ministre de l'Administration territoriale devrait certainement apaiser et rassurer les partisans de Soumaïla Cissé qui ont redouté, un moment, que l'«on» voulait «disqualifier» le leader de l'Union pour la République démocratique (URD). Ils s'étaient d'ailleurs empressés de dénoncer, mercredi dernier, un «bourrage d'urnes» au profit d'IBK et à réclamer la démission de l'imprudent colonel Moussa Sinko Coulibaly. Le second tour de la présidentielle malienne doit donc avoir lieu le 11 août, ce qui laisse à peine neuf jours aux deux candidats pour mener leur campagne dans un pays déstabilisé par un an et demi de crise politico-militaire et où tout reste encore à faire. Même avec une avance de 20 points, une victoire au second tour d'Ibrahim Boubacar Keïta est loin d'être acquise. La logique voudrait que les voix de Dramane Dembélé et Modibo Sidibé, soit 14,5%, se reportent sur Soumaïla Cissé. Ce dernier est, comme eux, membre du Front pour la démocratie et la République (FDR), coalition de partis et de mouvements de la société civile créée après le coup d'Etat du 22 mars 2012 qui avait précipité la chute du nord du Mali aux mains des terroristes d'Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) et du Mouvement pour le jihad en Afrique de l'ouest (Mujao). De son côté, le socialiste IBK – qui est aussi qualifié de «candidat de la France» en raison de ses amitiés avec Laurent Fabius et Manuel Valls – peut encore compter sur le soutien du courant islamiste malien (les religieux wahhabites de Sabati sont actuellement la force religieuse dominante au Mali et jouent un rôle croissant) et de l'armée. Ce soutien s'expliquerait par le fait qu'il se soit d'abord posé en garant de l'unité du pays. Certains analystes affirment même que cela fait longtemps que M. Keïta bénéficie de la neutralité bienveillante de l'armée qui en a fait un homme politique de recours. Il ne faut pas oublier qu'il a été très discret lors du putsch militaire du 22 mars 2012. Quoiqu'il en soit, le face-à-face annoncé entre IBK et Cissé dépendra également des consignes de vote des autres candidats au premier tour, qui représentent au total plus du quart des votants. Ce qui n'est pas peu.