Tizi Rached, cette municipalité des Ath Irathen, a fait revivre, l'espace de quelques jours, une légende que les 67 années de sa disparition n'ont pas fait oublier : Laïmeche Ali, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a été la semaine dernière à l'honneur à l'occasion de la commémoration du 67e anniversaire de sa disparition. La dynamique association culturelle Tharwa N'Laïmeche Ali (Les enfants), en collaboration avec l'APC de Tizi Rached, l'ONM et le fils du chahid, a proposé un programme varié pour restituer la grandeur d'un homme disparu à l'âge de… 21 ans. Mais ces 21 printemps ont suffit à ce rebelle né, cet organisateur hors pair et cet intellectuel en devenir de marquer les esprits pour s'imposer à la postérité comme une fierté de Tizi Rached, de la Kabylie mais aussi de toute l'Algérie. Et pour prendre la mesure du talent, du courage et de l'engagement de Laïmeche Ali, des centaines de personnes ont fait un tour à la bibliothèque communale de Tizi Rached, pour s'approcher de cette bougie consumée à la fleur de l'âge. Des expositions de photos, des documents d'archives et autres coupures de journaux, concernant le vaillant militant du mouvement national, restituent plus au moins la grande stature de Laïmeche Ali, qui n'a eu droit pour l'heure qu'à une statue et un lycée… D'intéressantes conférences-débat animées, notamment, par Younès Adli, Ramdani Salem et Hamid Redjala ont été proposées. Mohammed Lebal et Hocine Laïssaoui ont tenté «de retracer l'engagement politique» de Laïmeche Ali, alors que Youcef Merahi s'est attardé sur l'engagement patriotique du jeune militant à travers la chanson. Faut-il préciser, ici, que Laïmeche Ali est l'auteur «présumé» du fameux hymne à la liberté : Ekker a mmi-s u mazigh (Fils d'Amazigh, réveille toi). On lui connaît aussi d'autres chants révolutionnaires qui galvanisaient les moudjahidine dans les maquis. Né en 1925 à Icherâiwen, village natal du monstre sacré de la poésie kabyle, Si Mohand u Mhand, à Tizi Rached, Ali Laïmeche a aussi fréquenté le lycée de Ben Aknoun (El Mokrani), où il y a côtoyé de nombreux révolutionnaires en herbe. Après la réquisition de son lycée par les troupes alliées, arrivées à Alger en 1942, Laïmeche fut transféré à l'Ecole normale de jeunes filles de Miliana. Là-bas, il se forgera une qualité de fin organisateur en s'engageant dans le scoutisme. il a dû brusquement arrêter ses études après le massacre du 8 Mai 1945. Et c'est à Aït Zellal, du côté de Mekla, que Laïmeche Ali a été vaincu par une tuberculose le 6 août 1946. Tragique fin pour un homme d'exception au sort tout aussi exceptionnel. Ses contemporains et ses compagnons se souviennent, à ce jour, de cette marée humaine (des milliers de personnes d'après des sources concordantes) qui avait accompagné ce jeune de 21 ans à sa dernière demeure. On comprend mieux pourquoi Hocine Aït Ahmed, qui l'a connu à Ben Aknoun, est allé visiter la tombe de Ali à Ichariouène, à son retour d'exil en 1989. Signalons au passage que notre confrère, Kamel Ahmane, aujourd'hui installé au Danemark, a publié un livre intéressant avec son ami Mohand Amara, qui met en lumière «l'irréductible nationaliste» que fut Laïmeche Ali.