C 'est un véritable SOS que viennent de lancer des médecins en infectiologie de l'hôpital de Tamanrasset après la propagation alarmante du paludisme (malaria) dans cette wilaya-continent. Les statistiques, arrêtées au 31 décembre 2012, font mention de 806 cas. Un chiffre, qui qualifié de «record historique» par les spécialistes en maladies infectieuses, donne froid dans le dos. D'après le docteur Elias Akhamouk, spécialiste en infectiologie, «cette situation est due à plusieurs paramètres. On a d'abord le paramètre naturel lié à la saison des grandes précipitations ayant pour rappel duré jusqu'au mois d'octobre l'année dernière, surtout dans les deux pays pourvoyeurs de ce parasite, le Niger et le Mali. Le deuxième paramètre est relatif au grand afflux de Subsahariens vers Tamanrasset en raison de la crise sécuritaire qui prévaut dans leur pays, laquelle crise est aussi à l'origine de la baise de la prise en charge et de la prévention dans ces deux régions contre ce parasite». «Ce qu'il faut retenir, explique-t-il, c'est que les Algériens ne sont malheureusement pas immunisés contre le paludisme comme les Nigériens ou encore les Maliens du fait qu'ils sont exposés en permanence aux risques d'endémie. Les gens, par méconnaissance des conséquences que pourrait avoir cette maladie, ont tendance à sous-estimer cette pathologie, considérée comme première étiologie de décès en Afrique subsaharienne. Ce qui est encore plus grave est le manque de vulgarisation et de sensibilisation sur cette épidémie qui a fait, jusqu'à présent, 4 morts à Tamanrasset. D'aucuns pensent que le paludisme n'est qu'une simple grippe saisonnière, alors qu'ils ont complètement tort.» C'est ce que nous avons vérifié à la sortie de l'hôpital. Aucune des personnes interrogées ne connaît cette maladie et encore moins ses symptômes et ses conséquences. Rappelons qu'en 2011, 157 cas de malaria ont été recensés à Tamanrasset contre 339 cas en 2010 et seulement 55 en 2009. En 2012, la maladie a atteint un pic historique qui n'a pas été enregistré, selon le Dr Akhamouk, depuis 1975. «Il y a eu moins de décès, mais cela reste toujours alarmant. Il faut noter que 90% des cas de paludisme avérés sont importés soit via des Algériens qui sont partis au Niger et/ou au Mali, soit par les ressortissants de ces régions subsahariennes qui immigrent en Algérie en transitant par cette wilaya du Grand-Sud. A signaler en revanche que sur les 806 malades, 77% sont d'origine algérienne. Le reste, soit 23% sont des étrangers issus de différentes nationalités. C'est dire que les Algériens qui vont dans ces régions à forte endémie sont plus exposés au risque de malaria du fait qu'ils ne se protègent pas et ne prennent, de surcroît, aucune mesure préventive», ajoute notre interlocuteur, en précisant que des malades autochtones ont été localisés pour la majorité à Tinezaouatine (500 km à l'extrême sud de Tamanrasset) où l'on a dénombré 10% des cas sur le total des paludéens bien qu'il n'aient pas quitté le territoire du pays. 70% des personnes atteintes sont âgées entre 19 et 30 ans ; le malade le plus âgé traité à l'EPH de Tamanrasset avait 82 ans et le plus jeune seulement 3 mois, sachant que la malaria tue sans merci, notamment les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes. Le docteur Akhamouk affirme que «durant les premiers mois de l'année 2013, le service des maladies infectieuses de l'hôpital de Tamanrasset a enregistré une vingtaine de nouveaux cas. Ce qui est normal puisque c'est à partir du second semestre de chaque année que cette maladie se propage à grande échelle en raison des précipitations saisonnières que connaît cette région saharienne. Donc c'est à cette période que la malaria connaît des pics. Le nombre de malades augmente généralement à partir du mois d'août, en témoignent les chiffres obtenus l'année dernière et où l'on avait relevé seulement 10 cas jusqu'au mois de juillet, 100 cas en août et plus de 360 en septembre». Les autorités doivent d'ores et déjà mener une vaste campagne de prévention à même de doter les hôpitaux et établissements de santé de proximité en matière d'insecticide et de moustiquaires sur le plan régional et surtout national, puisque des cas originaires d'autres wilayas (Ouargla et Ghardaïa) transitent par cette région sans connaître les véritables risques de malaria. Le Dr Akhamouk préconise de mener une campagne de dépistage, particulièrement au niveau des localités frontalières, afin de développer des moyens de lutte contre les larves de ce parasite qui est à l'origine du décès de 2 millions de personnes par an dans le monde. Dans le cadre de la prévention, il a recommandé de se procurer des insecticides et de procéder à l'assèchement des étangs et des lagunes. Au demeurant, le Dr Akhamouk a tenu à rappeler qu'à Tamanrasset, on n'a pas besoin de gros moyens pour traiter le paludisme mais plutôt de personnel qualifié. Le travail le plus important est assuré par des médecins généralistes formés l'année dernière aux méthodes de lutte contre cette maladie. Actuellement, ce sont eux qui gèrent la situation dans les communes frontalières de Tinezaouatine et In Guezzam. Evoquant la prophylaxie, le Dr Akhamouk a souligné que l'hôpital assure la prise en charge des malades. «Le traitement est dispensé gratuitement par l'hôpital. Les cas simples sont pris en charge au service des urgences, les plus compliqués sont hospitalisés durant une période de 3 à 7 jours en vue de recevoir un traitement médicamenteux intraveineux. Pour mémoire, sur les 806 paludéens enregistrés en 2012, 78 cas graves ont nécessité une hospitalisation», a-t-il ajouté avant de conclure : «La prise de médicaments antipaludéens, même en respectant un schéma thérapeutique correct, ne suffit pas à protéger à 100% contre le risque de paludisme. Il faut aussi se protéger des moustiques, les empêcher d'entrer en contact avec leurs victimes afin d'éviter la piqûre de l'anophèle, principal vecteur du paludisme. Et pour ce faire, il faut impérativement éviter les déplacements en zone à risque sans protection, toujours dormir avec une moustiquaire, porter des vêtements longs, amples et de couleur blanche, serrés aux poignets et aux chevilles, avec des chaussures fermées, imprégnées de répulsif. Ce dernier devrait être appliqué sur toutes les parties non couvertes du corps. Il est également préconisé de dormir avec l'air conditionné ou sous une moustiquaire, de préférence imprégnée d'insecticide.» Pour plus d'informations sur le programme de prévention et de lutte contre le paludisme, nous nous sommes rapprochés de la direction de la santé et de la population de la wilaya. Toutefois, personne n'était disposé à nous recevoir. Ce qui donne une idée de l'état de déliquescence dans lequel se trouve ce secteur névralgique à Tamanrasset.